Ils n'ont pas réussi à s'entendre. Réunis mardi matin en bureau politique, avant que ne reprenne, dans l'après-midi, l'examen de la réforme constitutionnelle, les députés les Républicains n'ont pas arrêté de "position unanime" sur un vote pour ou contre le texte.
"Les avis sont partagés". C'est leur chef de file, Christian Jacob, qui a été chargé d'en faire l'annonce officielle. Et l'élu n'a pas fait mystère de la raison des désaccords internes à droite. C'est bien l'article 2 de la révision constitutionnelle, portant sur la déchéance de nationalité, qui est en cause. "Les avis sont partagés sur le sujet", a déclaré le député. Au-delà du doute qu'elle laisse planer sur l'issue du vote non seulement de l'article 2, mais aussi de l'ensemble du projet de loi constitutionnel, cette absence d'unanimité illustre surtout l'affaiblissement, au sein de la droite, de la ligne incarnée par Nicolas Sarkozy.
"Je souhaite que vous votiez oui". Le président des Républicains, en effet, a beaucoup donné de sa personne, mardi matin, pour convaincre ses troupes de voter en faveur du projet de loi constitutionnel. "Je souhaite que vous votiez oui", a-t-il déclaré lors de la réunion du groupe parlementaire, à huis clos. Selon lui, un rejet du texte ne serait pas compris par les Français. "Quand il y aura un nouvel attentat en France, à tous, on demandera des comptes. Au prétexte qu'une mesure ne serait plus pleinement suffisante, on ne la vote pas ? A ce compte-là, on ne fait rien. C'est de l'impuissance."
Changer d'avis, "ça non". L'atmosphère de la réunion s'est tendue lorsque le président des Républicains a pilonné les partisans d'un vote négatif. "Que ceux qui ont toujours été contre votent contre, d'accord", a-t-il poursuivi en désignant notamment Nathalie Kosciusko-Morizet, Hervé Mariton et Patrick Devedjian. Ces trois députés s'étaient déjà opposés à une révision constitutionnelle lors d'un bureau politique dédié à cette question, le 6 janvier dernier. "Mais que ceux qui ont soutenu la déchéance par le passé changent d'avis, ça non", a fustigé l'ancien président, chargeant son rival à la primaire, François Fillon.
" Que ceux qui ont toujours été contre votent contre, d'accord. Mais que ceux qui ont soutenu la déchéance par le passé changent d'avis, ça non. "
Passe d'armes entre Sarkozy et Fillon. De fait, François Fillon, silencieusement réticent jusque-là, s'est ouvertement opposé à la révision constitutionnelle dans une tribune au Journal du Dimanche parue le 7 février. Pire, il a appelé les parlementaires de droite à le suivre. "François, j'ai lu ce que tu as déclaré. J'aurais préféré que tu viennes le dire au bureau politique où nous en avons débattu deux heures, et où tu n'étais pas", a lancé Nicolas Sarkozy. Le député de Paris s'est défendu de toute pirouette, affirmant qu'il avait "attendu que le gouvernement présente son projet et s'exprime" pour conclure "en [son] âme et conscience que la révision constitutionnelle n'était ni nécessaire ni utile".
L'autorité de Sarkozy remise en cause. Mais personne n'est dupe. L'attitude de François Fillon, favorable, de son propre aveu, à la déchéance de nationalité sur le principe, est bien une remise en cause de l'autorité de Nicolas Sarkozy. L'ancien président avait, en 2010, lui aussi plaidé pour une extension de la déchéance de la nationalité (pour les assassins de policiers et de gendarmes). Et depuis décembre, il se félicitait de voir ce marqueur de droite repris par les socialistes. Certes, Nicolas Sarkozy peut se targuer du vote positif de plusieurs poids lourds de son parti, comme Christian Jacob, Eric Ciotti, Christian Estrosi ou Bruno Le Maire. Mais son vibrant plaidoyer en faveur de la révision constitutionnelle n'a pas convaincu la majorité de ses députés. Le fait que le groupe parlementaire ait renoncé à voter pour établir une position unanime en est la preuve.