Que retiendra-t-on de ces élections municipales 2020 ? Qu'elles étaient d'abord marquées par le spectre du coronavirus, avec un premier tour maintenu malgré la progression rapide de l'épidémie et un second tour organisé après 30.000 morts dans le pays. Mais entre la percée verte, les bons scores des partis traditionnels, le pari semi-victorieux du Rassemblement national et l'échec relatif de La République en marche, les enseignements d'un scrutin boudé par les électeurs sont nombreux.
Une participation historiquement faible
C'était la crainte de ce second tour des élections municipales, organisé trois mois et demi après le premier : une abstention historiquement élevée, comme le 15 mars, et une vitalité démocratique en berne. Alors que la participation dépassait systématiquement les 60% pour le second tour des municipales (62,13% en 2014, 65,20% en 2008), elle a fondu à environ 40% (entre 40 et 41%) des inscrits dimanche. Elle se situe à un niveau inférieur au score du premier tour (44,66%).
Symbole d'une "grève civique" et d'une "insurrection froide contre toutes les institutions du pays", selon Jean-Luc Mélenchon, avec des craintes liées à la crise sanitaire, cette abstention record a inquiété jusqu'à l'Élysée : Emmanuel Macron s'est dit "préoccupé" par ce niveau très faible de participation, qui n'est pas une "très bonne nouvelle".
Les Verts, grands gagnants de ces municipales
Après les européennes de 2019, les écologistes enregistrent un nouveau succès électoral, avec des victoires dans plusieurs grandes villes de France. À commencer par Marseille, où la candidate Michèle Rubirola (Printemps marseillais) a fait basculer à gauche la ville tenue par Jean-Claude Gaudin depuis 1995. C'est un peu le même scénario à Bordeaux, où Pierre Hurmic, en battant Nicolas Florian, a ravi la ville à la droite. À Lyon, Grégory Doucet a nettement battu le candidat LR et poulain de Gérard Collomb, Yann Cucherat. "Une vague verte se lève en France", a assuré la porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts, Eva Sas. Les écologistes s'imposent également à Strasbourg.
Les Républicains et le Parti socialiste résistent bien
On les disait moribonds il y a trois ans, avec la victoire d'un bloc centriste emmené par Emmanuel Macron. Trois ans plus tard, le Parti socialiste et Les Républicains ont montré avec ce scrutin qu'ils gardaient un fort ancrage local. Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure a salué un "immense élan qui se lève dans toute la France" avec des victoires à Brest, Saint-Denis, Rouen, Cherbourg, Quimper, Chambéry, Périgueux, Morlaix, Nancy. La première ville de France, Paris, reste socialiste, avec la réélection d'Anne Hidalgo devant Rachida Dati et Agnès Buzyn.
Côté Les Républicains, "on renoue avec la victoire", a estimé le patron du parti, le député Christian Jacob. Le parti de droite perd certains de ses fiefs, dont Marseille et Bordeaux, mais réaliser de bons scores dans de nombreuses villes moyennes. "Les Républicains maintiennent leurs positions", s'est félicité sur Europe 1 Damien Abad, le président du groupe LR à l'Assemblée nationale. "Nous restons le premier parti de France en termes d'élu locaux et d'ancrage territorial."
Le Rassemblement national sauvé par Perpignan ?
Le nom de cette ville donne instantanément le sourire aux membres du Rassemblement national : Perpignan a basculé dans l'escarcelle du parti d'extrême droite avec la victoire de Louis Aliot face au maire sortant, Jean-Marc Pujol. "C'est un système qui s'écroule", s'est félicité le député du RN.
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Après avoir conservé au premier tour les mairies acquises en 2014, l'ex-Front national remporte également les villes de Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, et Bruay-la-Bussière, dans le Pas-de-Calais. "Ce n'est pas seulement d'ailleurs une victoire symbolique, c'est un vrai déclic, parce que nous allons aussi pouvoir démontrer que nous sommes capables de gérer de grandes collectivités", s'est réjouie Marine Le Pen. Mais en dehors de ces quelques victoires, l'ancrage local du RN est plus faible que celui des partis qu'il tente de renverser.
"Déception" pour La République en marche
Le mot est prononcé : "Ce soir, nous éprouvons une déception", a concédé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, au moment d'évoquer La République en marche lors de son premier scrutin local de son existence. Largement battu à Paris et Lille, inexistant dans certaines grandes villes comme Marseille et Bordeaux, le parti présidentiel ne réussit pas vraiment son ancrage local, quatre ans après sa naissance et trois ans après son accession au pouvoir. Seule réelle satisfaction dans les rangs de la majorité : le Premier ministre, Édouard Philippe, a été nettement réélu dans sa ville du Havre. Même si, officiellement, il n'est pas membre de La République en marche.