Emmanuel Macron a présenté vendredi un plan de 2,2 milliards d'euros pour encourager le développement d'un avion "zéro émission" en France et y préserver ainsi une puissante filière aéronautique face aux enjeux de la décarbonation. "Nous, Français, on doit être les champions de l'avion ultrasobre (..) On a les moyens de l'être et de le produire", a lancé le chef de l'Etat, en visite sur le site du motoriste aéronautique Safran à Villaroche en Seine-et-Marne, à trois jours de l'ouverture du Salon du Bourget, grand rendez-vous mondial du secteur.
Un avion commercial sur deux vendu dans le monde est conçu par Airbus, notamment en France, et la concurrence s'annonce féroce entre Européens, Américains et Chinois pour arriver les premiers sur le marché de la décarbonation. Pour y répondre, l'Etat va "tripler son effort sur la période 2024-2030", soit "300 millions d'euros par an", en faveur de la conception de moteurs et designs d'avions plus économes en carburant, a annoncé le président. Cela suppose notamment d'alléger les avions par des nouveaux matériaux composites ainsi que des nouvelles architectures d'appareils. Parallèlement, l'Etat va investir 200 millions d'euros dans le développement de biocarburants aériens en France, avec l'objectif d'en produire 500.000 tonnes par an à l'horizon 2030.
Une usine de carburants aériens à Lacq
Une usine de carburants aériens durables va notamment s'implanter à Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques, "dans une région qui connaît bien l'énergie", a précisé le chef de l'Etat, en référence au célèbre gisement de gaz de Lacq. Elle créera 700 emplois directs, soit 100 sur le site et 600 dans la filière recyclage, à l'horizon 2027, selon l'Elysée. Porté par Elyse Energy, une PME industrielle pionnière des molécules bas-carbone, et un consortium associant notamment TotalEnergies, le groupe agroalimentaire Avril, spécialisé dans les oléagineux, et l'allemand ThyssenKrupp, ce projet BioTJet représente un investissement d'1 milliard d'euros, ont précisé les entreprises partenaires dans un communiqué.
L'usine, qui doit entrer en service en 2028, produira du biokérosène avancé à partir de biomasse composée de résidus issus majoritairement de la sylviculture locale et de déchets de bois. Elle permettra de fournir 75.000 tonnes de kérosène durable aux compagnies aériennes, soit 15% de la production française à horizon 2030. Produits à partir d'huiles usagées, résidus de bois ou algues, les carburants durables (SAF) sont utilisables en complément du kérosène. Les unités de production déjà existantes en France utilisent uniquement pour l'heure des huiles de cuisson et graisses animales usagées.
Une enveloppe de 50 millions d'euros pour des start-up
En 2022, la production totale de SAF dans le monde était de 250.000 tonnes, soit moins de 0,1% des plus de 300 millions de tonnes de kérosène utilisées par l'aviation. L'Union européenne souhaite porter cette part à 6% en 2030 et 75% en 2050. Emmanuel Macron a également annoncé une enveloppe de 50 millions d'euros pour des start-up travaillant sur des projets de petits avions de tourisme hybrides, électriques ou à hydrogène. Le chef de l'Etat, bien déterminé à relancer son quinquennat après la crise des retraites, a multiplié ces dernières semaines les annonces sur la réindustrialisation et la souveraineté technologique de la France.
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L'industrie aéronautique représente près de 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle est de nouveau en plein boom après un effondrement de son activité durant la pandémie de Covid-19. Le transport aérien devrait retrouver cette année son niveau d'activité d'avant la crise du Covid, 4,5 milliards de passagers transportés en 2019, et pourrait le doubler à l'horizon 2050. Selon Airbus, la flotte mondiale d'avions devrait doubler dans les prochaines années, pour atteindre 46.000 appareils en 2042. Après avoir divisé par deux la consommation énergétique par passager en 20 ans, le transport aérien devra tendre vers la neutralité carbone d'ici 2050 en cohérence avec les politiques européennes.