Affaire Adrien Quatennens : le député insoumis est «dans une position intenable»

Adrien Quatennens
Adrien Quatennens se défend et refuse de démissionner de son poste de député. © Sandrine Marty / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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avec AFP
Le député LFI Adrien Quatennens, qui s'explique dans les médias après sa condamnation pour violences sur son épouse, est dans une "position intenable" qui le contraint à "s'enfoncer" en cherchant à sauver son mandat, selon le spécialiste de la communication politique Philippe Riutort.

Adrien Quatennens en mode défense. Après sa condamnation à quatre mois de prison avec sursis pour notamment des violences envers sa compagne, le député LFI a été radié de son groupe à l'Assemblée nationale pour une durée équivalente, mais dit son envie de retourner dès le mois de janvier sur les bancs de l'hémicycle. Une "position intenable" qui le contraint à "s'enfoncer" en cherchant à sauver son mandat, analyse le spécialiste de la communication politique Philippe Riutort.

Selon ce sociologue, cette affaire est aussi symptomatique des risques "d'instrumentalisation politique" de la vie privée et des problèmes de couples, qui les font entrer, de manière dangereuse pour la démocratie, dans "le jeu politique".

Comment analysez-vous la prise de parole d'Adrien Quatennens, qui, après un long silence, a annoncé dans un entretien à BFMTV vouloir revenir à l'Assemblée "vraisemblablement dès le mois de janvier" ?

"Jusqu'à présent, il avait joué profil bas en attendant que l'affaire se tasse, mais après sa condamnation, il fait volte-face, il choisit de jouer une stratégie offensive plutôt que défensive, de faire cavalier seul pour revenir à l'Assemblée. Manifestement sa démarche, c'est faute avouée à demi-pardonnée. Mais rien ne dit que c'est une stratégie gagnante parce que bien évidemment, il s'expose dès lors à tout un tas de reproches sur le fait que son acte de contrition ne serait absolument pas sincère.

Il va apparaître comme un homme froid qui, pour sauver sa carrière politique, n'hésite pas à mettre en cause son ex-épouse et à déballer le linge sale, comme c'est souvent le cas dans les procédures de divorce difficiles. Il se défend mal et même il s'enfonce car il est dans une situation en réalité largement inextricable. Sa position est selon moi intenable, quoi qu'il fasse.

Pourquoi sa position est-elle "intenable" ?

"En réalité, il n'a pas trop le choix. Sauf à accepter de perdre son mandat en démissionnant, il ne peut contre-attaquer qu'en s'enlisant dans cette affaire et en attaquant son ex-épouse, ce qui a priori n'a pas lieu d'être dans le débat politique. Qu'une affaire de vie privée, qu'un divorce se passe mal, c'est triste, c'est banal, mais c'est une affaire a priori dont les citoyens n'ont pas à connaître. Donc il n'a pas d'issue.

Mais la contradiction de départ est dans la position de LFI, qui est assez stupéfiante. Pourquoi quatre mois de suspension ? Pourquoi pas six mois, ou huit mois ? Et c'est quoi ce stage de rééducation ? S'il peut revenir après, c'est en tout cas que la faute n'est pas si grave que cela. Car si elle est très grave, alors il n'a plus sa place en politique.

 

Mais, dans ce cas là, pourquoi Jean-Luc Mélenchon, qui a été condamné par la justice, ne se retirerait pas définitivement de la vie politique ? Il y aurait des condamnations judiciaires qui vaudraient un retrait définitif et d'autres pas ? C'est une démarche qui est absolument sans fin, sauf si l'inéligibilité est prévue par la loi."

Que pensez-vous de ses accusations d'être victime d'un coup "politique" destiné à "l'abattre" visant le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qui a répliqué en annonçant une plainte en diffamation ?

"Je pense qu'Adrien Quatennens est un peu perdu et dépassé par les événements, ce qui l'amène à attaquer nommément Gérald Darmanin. Cela ne paraît pas incroyablement fin sur le plan tactique. Il y a un petit côté François Fillon en 2017, il y aurait un cabinet noir etc... On a du mal à le croire. Mais que cette affaire soit instrumentalisée, y compris au sein de la France insoumise par d'éventuels concurrents qui n'avaient pas tellement envie de le voir succéder à Jean-Luc Mélenchon, ce serait d'une banalité absolument évidente.

On l'a très bien vu chez Europe Écologie-les-Verts avec l'affaire Julien Bayou. Désormais la vie privée, les problèmes de couple, peuvent tout à fait entrer dans le jeu politique. Le danger pour la démocratie et le débat public, c'est quand on met le doigt dans ce type d'engrenage, on ne sait absolument pas où ça se termine, notamment dans les atteintes à la vie privée".