Alors qu'il est resté mutique après plusieurs jours de désordre, blocages et tensions, et que la pression s'intensifiait pour qu'il donne sa vision d'une affaire le touchant au plus près, Emmanuel Macron a choisi un cadre et un moment inattendus - un pot de fin de session parlementaire à la Maison de l'Amérique latine de Paris - pour s'exprimer sur l'affaire Benalla. Les images, non officielles, ont été diffusées.
"Nous voulons des explications". La méthode a profondément dérangé Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, et président de la commission des lois du Sénat. "Nous n'attendons pas des postures. Nous n'attendons pas des images volées à une fête. Nous n'attendons pas que le président de la République, dans le confort d'une réunion entre amis, revendique son autorité. Nous voulons des explications. C'est devant les Français qu'elles doivent avoir lieu", a-t-il martelé dans la Matinale d'Europe 1 mercredi.
"Le président est responsable devant le peuple français". Face aux députés LREM et membres du gouvernement, public ami, Emmanuel Macron a lancé, bravache : "S'ils veulent un responsable, il est devant vous, qu'ils viennent me chercher". Là encore, la formule a fortement déplu à Philippe Bas. "Je ne veux pas tenir de propos désobligeants… Mais il y a quelque chose de puéril dans cette posture. Ce n'est pas du tout à la hauteur de ce que nous attendons", a fustigé l'élu. Et de poursuivre : "Le président est responsable devant le peuple français, pas devant le Parlement. La posture qui laisserait entendre qu'on pourrait venir le chercher au fond de son bureau pour l'écouter n'a strictement rien à faire avec le sérieux avec lequel il faut traiter les difficultés".
"Un chef de l'État a des comptes à rendre". Philippe Bas, qui fut sous Jacques Chirac secrétaire général de l'Élysée, considère que la gestion de cette affaire par l'exécutif "relève de l'impensable". "Si c'est ça le nouveau régime, je préfère l'ancien, bien ancré dans la tradition républicaine et l'État de droit", a-t-il lancé. Pour le président de la commission des lois au Sénat, "un chef de l'État a des comptes à rendre, et quand une question grave lui est posée, il ne doit pas l'esquiver".
Un avertissement au président. Pour décrire le comportement du chef de l'État, Philippe Bas n'hésite pas à parler "d'hégémonisme présidentiel", et critique vertement sa fameuse "approche jupitérienne". "Oui, on est dans un régime où le président donne l'impulsion, mais il n'accapare pas tous les pouvoirs. (…) Il est constamment dans l'idée de minimiser les contre-pouvoirs. Le seul objectif pour lui, c'est que la loi soit votée plus vite, comme si elle sortait parfaite du conseil des ministres, et que les représentants de la nation n'avaient pas leur mot à dire. Il va falloir se poser pour rappeler ce que sont les institutions de la République dans un État de droit", a-t-il averti.
Des "barbouzes" à l'Élysée ? La veille, Philippe Bas et ses collègues sénateurs ont auditionné à leur tour des acteurs clés de l'affaire Benalla. Parmi eux, les syndicats policiers ont dénoncé "la confusion des rôles, l'ambiguïté des fonctions" de l'ex-collaborateur du chef de l'État, et décrit les "relations exécrables" qu'il pouvait entretenir avec les forces de l'ordre. Sur Europe 1, l'élu Les Républicains de la Manche s'est dit "abasourdi" par ce qu'il avait entendu. Et tout particulièrement lorsque le secrétaire général d'Unité-SGP, Yves Lefebvre, a évoqué "les barbouzes" de l'Élysée. "Il semblerait manifestement qu'au sein du GSPR (groupe de sécurité de la présidence de la République, ndlr), nous avions un groupe de personnel hors police et hors gendarmerie. (…) Depuis jeudi dernier j'emploie le terme de 'barbouze' : ce sont des vigiles qui étaient employés par monsieur Benalla dans le cadre de la présidence de la République", a affirmé Yves Lefevre.
La sécurité du chef de l'État ne peut être improvisée. Une révélation qui a révolté Philippe Bas. "La sécurité du président de la République n'est pas une affaire privée. Elle doit être assurée par des fonctionnaires civils et militaires de l'État, qui sont sélectionnés, entraînés, formés, évalués, organisés, coordonnés, avec des méthodes professionnelles et pas improvisées", s'est-il exclamé sur notre antenne. Il assure qu'il s'attardera, au fil des futures auditions, à recueillir des éléments pouvant attester ce témoignage embarrassant.