Plusieurs responsables politiques, dont Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, se sont plaints vendredi d'apparaître dans une étude controversée autour de l'affaire Benalla, et qui fait déjà l'objet d'une instruction par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).
L'étude statistique, réalisée par un site belge, DisinfoLab, portait sur les réactions postées sur Twitter à la suite des révélations de l'affaire Benalla, afin de déterminer une éventuelle ingérence russe dans la masse des messages publiés sur le réseau social. DisinfoLab avait ensuite publié sur son site la liste des quelque 55.000 comptes Twitter ayant servi de base à l'étude, en mentionnant pour chacun d'entre eux leur affiliation politique supposée, par exemple "pro-Mélenchon", "pro-Rassemblement national" (RN, ex FN) ou "russophiles".
"Barbouzerie" et "manipulations". "Eh stupide barbouze ! Je ne suis pas un bot (robot, ndlr) russe. C'est juste moi, Mélenchon, qui tweete contre toi !", s'est offusqué vendredi sur Twitter le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, en signant son message "matricule 14452", en référence au numéro que son compte Twitter portait dans la liste publiée de DisinfoLab.
Eh stupide barbouze ! Je ne suis pas un bot russe. C'est juste moi, Mélenchon, qui tweete contre toi ! Si t'as besoin de me ficher pour t'en rappeler, c'est que tu es encore plus bête que tu en as l'air. Signé matricule 14452.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 9 août 2018
"Numéro de matricule 14802... Fichage, censure, manipulation de l'info, barbouzeries... Sympa le nouveau monde !", a également ironisé la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, alors que l'ex-numéro deux du parti, Florian Philippot, président des Patriotes, a dénoncé le site belge comme "un machin européiste" qui, selon lui, "fait du fichage politique de milliers d'opposants à Macron sur les réseaux sociaux".
Numéro de matricule 14802...
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 10 août 2018
Fichage, censure, manipulation de l’info, barbouzeries... Sympa le nouveau monde ! MLP #FichagePolitiquepic.twitter.com/S3Q7ROA8IP
Communiqué pour @_LesPatriotes :
— Cyril Martinez (@Cyril_LMartinez) 10 août 2018
« Fichage des opposants à Macron par une officine européiste : sommes-nous encore en démocratie ? »
▶️ https://t.co/qSNClsMo9Spic.twitter.com/ufZDCVsUNw
Des méthodes "inquiétantes". Le député des Alpes-Maritimes LR Eric Ciotti, a pour sa part pointé dans un communiqué des méthodes "particulièrement inquiétantes" et a annoncé avoir saisi la CNIL. Cette dernière avait déjà ouvert jeudi une instruction à la suite d'"un nombre important" de plaintes dont elle avait été saisie.
Je porte le matricule 10308. Scandaleux de voir qu'en France, en 2018, on peut être fiché pour ses opinions politiques @DisinfoEU. J'ai saisi la @CNIL pour que toute la lumière soit faite sur cette lamentable manipulation de l'opinion.#AffaireBenalla➡️ https://t.co/2Z50Mg0sCQpic.twitter.com/v8Isu5rLVV
— Eric Ciotti (@ECiotti) 10 août 2018
Nicolas Dupont-Aignan réclame des "sanctions". Le Parti communiste français a également réclamé "des investigations poussées" et "exigé que toutes les mesures soient prises pour protéger les personnes 'fichées' et leurs droits fondamentaux garantis", alors que "nombre de (ses) sympathisants et militants, parmi lesquels des parlementaires, se trouvent listés", a-t-il indiqué dans un communiqué. Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a lui aussi pointé "une étude partiale et tronquée", qui "assimile la réaction légitime de milliers de citoyens face au scandale Benalla à leurs potentielles orientations politiques", et a réclamé des "sanctions".
L'un des auteurs de l'étude présente ses excuses. DisinfoLab a par ailleurs récusé toute accusation de fichage, en expliquant que "ces données avaient été publiées à dessein de vérification méthodologique et afin de limiter la circulation d'un fichier erroné". "Notre méthodologie consiste à exporter des données publiques de conversation et de les analyser", avait ajouté le site belge. Vendredi, l'un des auteurs de l'étude, Nicolas Vanderbiest, a "présenté ses excuses", dans un message publié sur son compte Twitter. "À mes yeux, toute donnée sur Twitter est une donnée publique et il n'y avait aucune intervention personnelle car la méthodologie se contentait de faire apparaître des communautés uniquement par les interactions", fait-il valoir, tout en convenant que "cette méthodologie (puisse) être débattue".
Toutes mes excuses à ceux et celles que j’ai pu heurter.https://t.co/X5s6Vxqwv4
— Nicolas Vanderbiest (@Nico_VanderB) 10 août 2018
L'étude, menée du 19 juillet au 3 août, soulignait que "plus de 4,5 millions de tweets en français ont été échangés" sur l'affaire Benalla, un volume qualifié d'"exceptionnel". DisinfoLab avait dans un premier temps émis l'hypothèse de l'ingérence de comptes "russophiles", dont certains auraient pu être des robots, avant de revenir sur ce point, estimant que rien ne permettait de l'affirmer.