Sur Europe 1 mercredi matin, son avocat avait dit qu'il prendrait "rapidement la parole". Alexandre Benalla a finalement décidé de s'exprimer jeudi dans les colonnes du Monde. L'ancien chargé de mission du président dit "assumer" les faits pour lesquels il est mis en examen et dénonce "une volonté d'atteindre" le président de la République.
"Attraper le président par le colbac". "Je ne dis pas que j'ai servi de fusible, je dis juste que ça a servi plusieurs intérêts, un intérêt pour atteindre le président de la République, à un moment pas mal pour lui, une bonne séquence", poursuit l'ex-collaborateur de l'Elysée. Selon lui, l'affaire révélée par Le Monde le 18 juillet "est une façon d'attraper le président de la République par le colbac. J'étais le point d'entrée pour l'atteindre, le maillon faible. Au bout d'un an, il y a des inimitiés qui se créent, il y a des gens qui ne supportent pas que vous ne fassiez pas partie du club, que vous ne soyez pas énarque, sous-préfet... Je pense que si j'avais eu un tel statut et qu'il s'était passé ce qui s'est passé le 1er mai, les choses auraient été différentes".
Un "maillon faible". "On a essayé de m'atteindre, de me tuer, et c'était l'opportunité aussi d'atteindre le président de la République", insiste-t-il. "Les faits, je les assume, je ne suis pas dans la théorie du complot, c'est la réalité. Sur ce qui s'est passé après, je suis beaucoup plus réservé. Il y avait en premier une volonté d'atteindre le président de la République, c'est sûr et certain. Et je suis le maillon faible, je le reconnais. Et en même temps, il y a énormément de gens qui se frottent les mains en se disant 'Ca y est, on s'est débarrassé de lui, il ne va plus nous emmerder, c'est fini'".
Selon Alexandre Benalla, "les gens qui ont sorti cette information sont d'un niveau important (...) des politiques et des policiers. Et je ne pense pas (au ministre de l'Intérieur Gérard) Collomb en qui j'ai confiance, je ne suis personne pour lui. Mais il y a des gens qui travaillent autour de lui qui auraient pu..."
"Une grosse bêtise". Interrogé par Le Monde, Alexandre Benalla admet par ailleurs avoir "commis une faute". "Moi je n'ai pas le sentiment d'avoir trahi le président de la République, j'ai le sentiment d'avoir fait une grosse bêtise. Et d'avoir commis une faute. Mais cette faute, elle est plus d'un point de vue politique : je n'aurais jamais dû aller sur cette manifestation en tant qu'observateur, puis j'aurais peut-être dû rester en retrait", affirme-t-il.
Benalla accuse un haut gradé d'avoir menti à l'Assemblée. Dans cette interview au Monde, Alexandre Benalla accuse par ailleurs le directeur de l'ordre public de la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, d'avoir menti en affirmant n'avoir appris sa présence à la manifestation du 1er mai que le lendemain. Interrogé lundi par la commission d'enquête de l'Assemblée, Alain Gibelin a rapporté un échange par téléphone le 2 mai avec le préfet de police, Michel Delpuech, au cours duquel il lui avait assuré être "dans la totale ignorance de la présence d'Alexandre Benalla sur le terrain" la veille.
"Ce n'est pas vrai. On a déjeuné quelques jours avant avec le général Bio-Farina (commandant militaire de l'Elysée). C'était une réunion de travail à propos des policiers qui font la sécurité autour du palais. A la fin de ce déjeuner, il m'a demandé si je venais toujours le 1er mai et si j'avais reçu l'équipement que je devais recevoir", affirme Alexandre Benalla.
Les accusations de l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, mis en examen pour avoir frappé deux manifestants, corroborent les propos tenus mercredi devant la commission d'enquête de l'Assemblée par le général Éric Bio-Farina. Le 25 avril, lors de ce fameux déjeuner, "il y a eu un aparté entre Alain Gibelin et Alexandre Benalla, qui avait trait à la manifestation (...) du 1er mai", a rapporté devant la commission le général Bio-Farina. "Au cours de cette discussion, Alain Gibelin et Alexandre Benalla ont échangé sur les équipements qui seraient fournis à Alexandre Benalla pour qu'il puisse participer à ladite manifestation", a-t-il ajouté. C'est la deuxième fois que les propos de M. Gibelin sont contredits.