Une fin de non-recevoir… pour l'heure. Les sénateurs veulent l'entendre le 19 septembre prochain mais par la voix de son avocat, Alexandre Benalla a indiqué mardi qu'il ne se rendrait pas devant la commission d'enquête sénatoriale "faire des déclarations qui lui seraient reprochées par les magistrats instructeurs", l'ancien chargé de mission étant mis en examen pour cinq chefs d'accusations. La commission d'enquête sénatoriale reprend, elle, ses travaux mercredi avec l'audition de trois membres de la présidence de la République.
Benalla a-t-il le droit de refuser de comparaître devant la commission d'enquête ?
Ce refus n'est pas catégorique : Alexandre Benalla "accepte de répondre aux questions de la commission sénatoriale sitôt l'instruction close", a précisé mardi l'avocat de l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, Me Liénard. Les sénateurs aimeraient pourtant l'entendre avant la fin de la procédure judiciaire : il devra se présenter "s'il est convoqué, ce qui est probable", a déclaré auprès de l'AFP Jean-Pierre Sueur, l'un des rapporteurs PS de la commission d'enquête du Sénat. Peu importe la date de cette convocation. "Je peux le faire chercher par huissier", a prévenu mardi soir le président de la commission, Philippe Bas, sur Public Sénat.
En cas de refus de comparaître, Alexandre Benalla risque deux ans de prison et 7.500 euros d'amende. "Toute personne dont une commission a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission", précise le Sénat sur son site.
Quels arguments Benalla et sa défense avancent-ils ?
Alors qu'il déclarait fin juillet au JDD avoir "plutôt envie" de répondre aux sénateurs, Alexandre Benalla n'est aujourd'hui pas très pressé de se rendre au Palais du Luxembourg. "J'ai reçu apparemment ce qui n'est pas une vraie convocation", a-t-il expliqué auprès de franceinfo, mardi. "Certains nous prennent pour des imbéciles. C'est très compliqué, moi-même je n'y comprends pas grand-chose." Mardi soir, Philippe Bas a affirmé que la convocation serait "adressée en bonne et due forme dans les prochains jours".
Deuxième justification avancée par la défense pour justifier le refus de comparaître dans les prochaines semaines : "Alexandre Benalla est au cœur de l'instruction judiciaire", a insisté Me Liénard, ajoutant qu'il réservait "l'ensemble de ses réponses aux magistrats instructeurs". S'il se rend devant les sénateurs, Alexandre Benalla contreviendra à la loi, qui dispose que la commission d'enquête ne doit pas empiéter sur l'enquête judiciaire, selon le principe de la séparation des pouvoirs. "Nous ne pourrions naturellement pas poser de questions qui sont des questions qui touchent à la manifestation du 1er-Mai, puisque là, c'est le rôle de la justice de savoir s'il y a eu un délit de sa part", a précisé Philippe Bas lundi, sur CNews.
Celle-ci est déjà complexe, avec plusieurs chefs de mise en examen pour l'ex-chargé de mission : il est poursuivi pour "violences en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité temporaire de travail", "immixtion dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant des actes réservés à l’autorité publique", "port et complicité de port prohibé et sans droit d’insignes réglementés par l’autorité publique", "recel de violation du secret professionnel" et "recel de détournement d’images issues d’un système de vidéo protection". "Le fait d'être mis en examen ne dispense pas de répondre à une convocation", a répliqué Jean-PIerre Sueur, mardi.
Que dirait alors Alexandre Benalla devant les sénateurs s'il était convoqué ?
Concrètement, Alexandre Benalla ne pourrait pas aborder les sujets pour lesquels il fait l'objet d'une mise en examen, comme ses coups portés aux manifestants sur la place de la Contrescarpe, le 1er-Mai. Cela tombe plutôt bien pour la commission d'enquête sénatoriale, qui a décidé d'axer ses travaux sur "les conditions dans lesquelles des personnes n'appartenant pas aux forces de sécurité ont pu être associées à l'exercice de leurs missions". Un périmètre plus vaste que celui sur lequel ont planché les députés, à savoir "les événements survenus à l’occasion de la manifestation parisienne du 1er-Mai 2018".
Sur les bancs de la commission d'enquête, Alexandre Benalla pourrait choisir de se taire, mais l'argument judiciaire (ne pas répondre pour ne pas empiéter sur l'enquête en cours) serait invalidé par des questions sur le rôle qu'il avait au sein de l'Élysée, ou sur la réalité de la sanction qui lui fut infligée après les événements du 1er-Mai.