L'agrément de l'association Anticor, qui lui permet d'agir en justice dans des affaires de corruption, a été prorogé jusqu'au 2 avril, selon un arrêté publié dimanche au journal officiel (JO). La validité de cet agrément, créé par la loi en 2013 pour permettre aux associations anticorruption de se porter partie civile dans les affaires judiciaires, devait expirer pour Anticor le 15 février. Mais sa demande de renouvellement, enregistrée par le ministère de la Justice le 2 octobre, n'a pas été tranchée dans le délai prévu de quatre mois et le gouvernement s'est accordé jusqu'au 2 avril pour instruire cette demande de l'association, à l'origine de plusieurs procédures judiciaires contre des proches d'Emmanuel Macron.
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"C'est un acharnement"
Selon l'arrêté publié au JO, l'instruction porte sur "la conformité du fonctionnement de l'association à ses statuts", les "garanties de régularité en matière financière et comptable", le "caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment eu égard à la provenance de ses ressources". "C'est un acharnement", a déploré auprès de l'AFP Elise Van Beneden, présidente d'Anticor, créée en 2002 "pour lutter contre la corruption et rétablir l'éthique en politique" selon son site internet. "Anticor dérange. Je ne m'étais pas rendue compte que c'était à ce point là". Le gouvernement, assure-t-elle, lui a notamment demandé les noms des plus grands donateurs de l'association, ce qu'elle a refusé.
Cette position est contestée par certains membres historiques d'Anticor, qui pointent un "manque de transparence" de l'association, par ailleurs marquée par une crise interne de gouvernance depuis le renouvellement de son conseil d'administration en mars 2020. Selon le Journal du Dimanche, neuf responsables de l'association ont été suspendus en janvier après avoir assigné Anticor en justice. Ils contestent la révocation anticipée du conseil d'administration précédent.
Nombreuses affaires sensibles
Anticor, connue notamment pour avoir porté l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris ou celle des sondages de l'Elysée sous l'ère Sarkozy, s'est constituée partie civile dans de nombreuses affaires sensibles en cours. Elise Van Beneden évoque des "crispations" en particulier sur les enquêtes judiciaires visant le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le président LREM de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, toutes deux relancées par l'association après un classement sans suite.
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L'association (rejointe en décembre par trois syndicats de magistrats) a aussi déposé plainte en octobre devant la Cour de justice de la République (CJR) contre le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti pour "prise illégale d'intérêt" et une enquête a été ouverte en janvier. Le ministre de la Justice, dont l'administration instruit la demande d'agrément et qui était censé signer le décret final, s'est déporté de la question au profit de Matignon. "C'est à la main du Premier ministre (...) ça n'est plus mon problème", a déclaré Eric Dupond-Moretti dimanche, invité dans le "grand jury LCI/RTL/Le Figaro".
Pour le ministre, "c'est un rôle de procureur de droit privé" qu'assument les associations disposant d'un tel agrément. "La contrepartie, c'est que l'association qui réclame un tel droit rende un certain nombre de comptes, notamment en terme de financement et en terme de transparence". "Quand on est garant autoproclamé de la morale publique, on a peut-être des comptes à rendre", a-t-il ironisé, citant les "divergences" au sein de l'association et la remise en cause de son "impartialité" par certains de ses membres. Outre Anticor, deux associations disposent en France d'un tel agrément, Sherpa et Transparency international.