Couvert comme un feuilleton, suivi comme une série : le procès des époux Balkany, notamment poursuivis pour fraude fiscale, corruption et blanchiment, agite en ce moment le milieu politico-médiatique. Un procès de plus, après les affaires Cahuzac, Fillon, Sarkozy ou encore Dassault, dans lesquelles un ou des responsables politiques ont été mis en cause, et parfois lourdement condamnés. Pour les avocats invités du Tour de la question sur notre antenne, mardi, cela témoigne d'un changement de paradigme dans le rapport entre politique et justice.
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"Il y a un inversement entre le dominant et dominé", assure Olivier Pardo, ancien magistrat et avocat au barreau de Paris, qui a notamment défendu Bernard Tapie et Rachida Dati. "Longtemps, le dominant était le politique vis-à-vis de la justice. Aujourd'hui, il y a une inversion : le dominant, c'est la justice."
L'exemple de l'affaire Fillon
Pour lui, "l'exemple le plus fort, c'est l'affaire Fillon", avec une mise en cause par les juges du candidat à la présidentielle pour des soupçons d'emplois fictifs. "Pour la première fois, la justice s'est invitée dans une campagne présidentielle et peut-être, dit-on, que s'il n'avait pas eu la formule 'Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?' [avant le déclenchement de l'affaire en janvier 2017, NDLR] et ne s'était pas retrouvé mis en examen, l'histoire aurait été différente."
Dans ce rapport de forces, l'institution judiciaire s'est renforcée en traitant plus spécifiquement les délits commis par les politiques. "On a quand même créé une justice spécifique, avec le parquet national financier, qui est consacrée avec des vrais moyens, à combattre la délinquance en col blanc", assure Olivier Pardo. C'est d'ailleurs ce même parquet national financier qui avait requis un procès pour le couple.
"On est dans un domaine très spécifique. Lorsque vous devez enquêter sur des montages internationaux, c'est très complexe. Il y a des magistrats spécialisés, des assistants de justice qui vont aider les magistrats", raconte Patrick Maisonneuve, avocat au barreau de Paris qui a notamment défendu Christine Lagarde et publié Justice et politique : le couple infernal aux éditions Plon en 2015.
Voilà pour la manière de conduire une enquête. Mais dans les tribunaux, l'étau s'est aussi resserré sur les responsables politiques. "Ça fait plus de 20 ans que je suis confronté aux affaires politico-judiciaires et je constate qu'aujourd'hui les magistrats sont beaucoup plus rigoureux", affirme Patrick Maisonneuve. "La peine d'inéligibilité est quasi-systématique dans les réquisitions du parquet et dans les décisions des juridictions. Aucun élu qui comparaît devant un tribunal n'y échappe. Les peines d'emprisonnement ferme, ça commence. Ce n'est pas rare, ce sont des sanctions prononcées."
Pour les avocats invités sur notre antenne, c'est là le symbole de la prise en compte d'une fonction particulière aux yeux des citoyens. "Quand les procureurs prennent la parole, ils sont en mission", avance Olivier Pardo. "Aujourd'hui, il y a la volonté d'être particulièrement dur avec ceux qui ont des responsabilités. Vous avez des réquisitions terribles."
Des responsables politiques "médiapartisés"
Comment expliquer cette exigence poussée d'exemplarité, alors même que les politiques sont des justiciables comme les autres, hormis le président de la République ? Le regard des citoyens, avec une transparence accrue demandée pour les procédures, est sans aucun doute décisif. "On sent bien que quelque chose bouge et qu'il y a une prise en compte de ce qui est l'opinion", confirme Olivier Pardo.
Cela oblige les avocats à s'adapter à cette nouvelle relation. "Aujourd'hui, la communication est omniprésente, on n'a pas le choix de communiquer", concède Patrick Maisonneuve. "La communication intervient de plus en plus en amont. Je dis qu'avant d'être gardé à vue, vous êtes médiapartisé", comme si les enquêtes du média en ligne, comme celle d'autres organes de presse, avaient contribué à fragiliser les responsables politiques avant d'affronter une justice de plus en plus exigeante.