François Bayrou a présenté mercredi matin, en Conseil des ministres, son projet législatif pour la moralisation de la vie publique. La réunion hebdomadaire du gouvernement était d'autant plus attendue que, mardi, le Premier ministre a recadré le garde des Sceaux sur son coup de fil passé à un journaliste, pour se plaindre d'une enquête sur le MoDem. Mercredi, à l'issue d'un Conseil de plus d'une heure, les deux hommes sont apparus souriants sur le perron de l'Élysée. "La situation est totalement pacifiée", a assuré de son côté Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, faisant état d'"échanges amicaux" entre les deux hommes à la fin de la réunion.
C'était un moment crucial pour le garde des Sceaux qui avait soumis son ralliement à Emmanuel Macron à cette réforme. Mardi, le Conseil d'État a adressé une première déconvenue au ministre, remettant en question, dans un avis consultatif, sa proposition de "banque de la démocratie", destinée à accorder des prêts aux partis politiques pour faciliter le financement des campagnes électorales. Les hauts fonctionnaires du Palais royal ont également rejeté deux propositions jugées inconstitutionnelles.
Passe d'armes. La situation est d'autant plus délicate pour François Bayrou que son parti est visé par une enquête préliminaire visant à savoir si le MoDem a salarié des employés en les faisant passer pour des assistants parlementaires. Ces dernières 24 heures, François Bayrou et Édouard Philippe se sont livrés à une passe d'armes par médias interposés. Le chef du gouvernement n'a pas hésité, mardi, à le rappeler à son devoir d'"exemplarité" sur France Info, après que François Bayrou s'est agacé auprès de Radio France d'une enquête journalistique lancée sur les employés du MoDem : "Le truc est assez simple : quand on est ministre on ne peut plus réagir comme quand on est un simple citoyen". Réponse de l’intéressé dans une interview au Monde : "Je ne suis pas devenu muet en entrant Place Vendôme. Je n’ai pas l’intention de me mettre un bâillon, ni de devenir d’un coup inodore, incolore et sans saveur"
" Chaque fois qu'il y aura quelque chose à dire, je le dirai "
Il ne se taira pas. Les deux hommes se sont parlés au téléphone mardi : officiellement, l'incident est clos. Le sujet n'a pas été abordé au Conseil des ministres, a précisé Christophe Castaner lors de son compte-rendu. "Pour une raison simple, ça ne relève pas du président de la République, et donc il n'a pas vocation à aborder cela", a-t-il expliqué. Le porte-parole du gouvernement a en outre estimé que "toute tentative d'influence" de ministre auprès de médias était "nocive au fonctionnement démocratique". "C'est un principe absolu", a déclaré Christophe Castaner, se refusant toutefois à évoquer explicitement le cas du garde des Sceaux.
De son côté, Matignon veut minimiser l'affaire, mais avec un Premier ministre amateur de boxe et un garde des Sceaux rompus aux joutes politiques, les tensions pourraient vite resurgir, d'autant que le ministre de la Justice campe sur ses positions, et ne se soucie guère des recadrages : "Chaque fois qu'il y aura quelque chose à dire à des responsables, qu'ils soient politiques, journalistiques, médiatiques, chaque fois je le dirai", a-t-il réaffirmé au micro d'Europe 1 en marge du Conseil des ministres.
Un rôle à part. Il s'agit pour l'actuel maire de Pau de revendiquer un statut à part au sein du gouvernement - dont il est le numéro quatre -, celui d'un poids lourd de la future majorité, allié indispensable du président Macron et ce, même si les députés MoDem sont devenus quantité négligeable pour le camp présidentiel, La République en marche! étant assurée de décrocher seule dimanche une majorité absolue.