Si le Front national est le principal parti qui, en France, soutient le Brexit, il n'est pas aussi isolé qu'on pourrait le croire. Pour des raisons différentes, certaines personnalités politiques souhaitent aussi un départ du Royaume-Uni de l'Union européenne. Y compris à gauche.
Le FN surfe sur le Brexit. "Je soutiens le Brexit de toutes mes forces et de tout mon cœur de Française libre", déclarait Marine Le Pen en avril dernier, lors des premières rencontres parlementaires du Front national. Selon la présidente du parti frontiste, "le Brexit serait une bonne nouvelle pour les Anglais". Rien de surprenant là-dedans : le FN est un parti souverainiste, profondément eurosceptique, qui ne voit dans l'Union européenne qu'un joug pour les nations. En outre, la tenue d'un référendum Outre-Manche est une aubaine pour Marine Le Pen, qui souhaite organiser le même type de scrutin en France si elle arrive au pouvoir. Quel que soit le résultat de la consultation côté britannique, la présidente du Front national veut s'en servir pour montrer que l'Union européenne est contestée et qu'il est possible de demander l'avis des citoyens de chaque pays européen. "Je plaide pour que chaque peuple de l'Union européenne ait la possibilité d'avoir accès à un référendum, de pouvoir dire ce qu'il pense de ce qu'est devenue l'Union européenne", a-t-elle déclaré sur TF1 mardi.
Nicolas Dupont-Aignan, souverainiste avant tout. Les arguments de Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, sont sensiblement les mêmes que ceux du Front national. Lui aussi est souverainiste, et considère que le pays est "soumis" à l'Union européenne. "Si le camp du Brexit l'emporte, ce sera une bonne nouvelle car cela va accélérer la décomposition de l'Union européenne", a-t-il souligné mardi, lors d'une conférence de presse. Comme le Front national, Nicolas Dupont-Aignan se réjouit quel que soit le résultat du référendum au Royaume-Uni. Si les britanniques choisissent finalement de rester dans l'Union, "ce sera aussi une très bonne nouvelle, car resteront au sein de ce système des souverainistes aigus, qui seront vigilants". En revanche, il n'est pas nécessairement favorable à un "Frexit" (une sortie de la France), mais plutôt à une renégociation des traités européens.
" L'Angleterre n'avait rien à faire dans l'Union européenne. Elle a tout saboté pendant plus de quinze ans. "
Jean-Luc Mélenchon "ne va pas pleurer". À l'autre bout de l'échiquier politique français aussi, on s'intéresse de près au Brexit. La position de Jean-Luc Mélenchon est moins tranchée que celle de Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan, mais le candidat à l'élection présidentielle de 2017 "ne va pas pleurer" si le Royaume-Uni quitte l'Union européenne. "L'Angleterre n'avait rien à faire dans l'Union européenne, puisque c'est le 52ème Etat des Etats-Unis", a-t-il expliqué au micro de BFM TV début juin. "Ils ont tout saboté pendant plus de quinze ans." Sans se ranger dans le camp des eurosceptiques, Jean-Luc Mélenchon estime que l'Union européenne sous sa forme actuelle ne fonctionne pas, et ne respecte pas "les peuples". "L'impasse européenne est désormais clairement établie", écrit-il sur son blog. "La sortie de ces traités européens est désormais une exigence de bon sens !" Et le référendum Outre-Manche peut, selon lui, encourager une renégociation.
Michel Rocard veut "avancer" sans le Royaume-Uni. Chez les socialistes au pouvoir, difficile de trouver qui que ce soit favorable au Brexit. Chez ceux qui n'y sont plus, en revanche, il y a Michel Rocard. L'ancien Premier ministre de François Mitterrand accorde jeudi une interview fleuve au Point, dans laquelle il explique soutenir la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. "La Grande-Bretagne ne conçoit pas l'Europe comme une entité politique", note-t-il. "Elle ne souhaite pas qu'elle soit un pouvoir de régulation mondiale. [Sa] présence depuis 1972 dans l'Union européenne nous interdit d'avancer". Dès lors, ce n'est pas l'explosion de l'Union européenne que cherche Michel Rocard avec un "Brexit", mais bien une recomposition. La sortie du Royaume-Uni permettrait de reconstruire un projet européen tel que l'ancien Premier ministre l'imaginait au départ : un "concentré de tout ce qui s'était fabriqué en France : les droits de l'Homme, le respect des pactes et des traités…"