C'est la troisième fois que les services de Matignon s'ébranlent pour quitter leur hôtel rue de Varenne, dans le 7e arrondissement de Paris, et rejoindre une ville en région. Après le Lot en décembre, puis le Cher le mois dernier, Edouard Philippe et ses collaborateurs se sont installés cette semaine pour trois jours à Toulouse, en Haute-Garonne. L'objectif, dit-on officiellement, est bien de prendre le pouls des territoires en prenant un peu plus de temps qu'un déplacement de quelques heures. Mais dans la Ville rose, il s'agit de faire d'une pierre deux coups. Le Premier ministre verrait bien un rapprochement avec le maire LR, Jean-Luc Moudenc, dans la perspective des municipales 2020.
Moudenc, un "cas complexe". Car la capitale de l'Occitanie est un véritable casse-tête pour La République en marche!. Le parti présidentiel ne fait pas mystère de sa volonté de s'allier avec certains pouvoirs locaux afin de remporter un maximum de villes en 2020. Et ce, qu'ils soient PS ou LR. Mais pour cela, encore faut-il que la compatibilité soit avérée. Jusqu'ici, Jean-Luc Moudenc a soufflé le chaud et le froid avec Emmanuel Macron. "C'est un cas complexe", reconnaissait il y a peu un pilier de la majorité. Ce maire "a un positionnement étrange : son profil n'est, sur le papier, pas opposé à celui de LREM, mais pour le moment il n'est pas sur la même ligne." Et ce parlementaire de prendre l'exemple de l'édile de Nice, Christian Estrosi, qui avait montré "bien plus d'allant" en faveur de la majorité.
Un "premier échange" avec Castaner. Mais ces choses-là changent vite. Et mercredi, Edouard Philippe et Jean-Luc Moudenc ont multiplié les appels du pied réciproques. "Je suis venu à Toulouse par estime et amitié personnelle", a déclaré le Premier ministre, tandis que l'édile appelait à "casser le carcan des clivages politiques et bannir les postures politiciennes". À quelques journalistes, il a confié avoir déjà eu "un premier échange avec Christophe Castaner", délégué général de LREM. Sans compter que, au niveau local, la majorité travaille déjà sans encombre avec les équipes municipales sur certains sujets bien précis, comme le logement.
La peur des "calculs". Reste que ce rapprochement n'est pas forcément bien vu de tout le monde à LREM. Pierre Casteras, référent du parti en Haute-Garonne, a ainsi rappelé jeudi que ses adhérents "ne veulent pas tomber dans les arrangements, les calculs, les alliances". Et qu'il existe une liste de conditions pour que les maires soient soutenus par LREM en 2020, notamment l'adhésion à la charte des valeurs du mouvement. Conditions qu'aujourd'hui, Jean-Luc Moudenc ne remplit pas.
"Le Premier ministre traite ses copains". Par ailleurs, attirer un (nouveau) maire LR dans le giron de LREM risquerait de renforcer encore l'impression de déséquilibre entre la droite et la gauche au sein d'un mouvement de plus en plus identifié à droite par les électeurs. Pas souhaitable, pour certains marcheurs, qui s'inquiètent d'une dérive droitière de la politique gouvernementale. Dans ce contexte, la séduction assidue de Jean-Luc Moudenc passe mal. "Le Premier ministre traite ses copains et entretient son socle politique", grince ainsi un député LREM dans les colonnes de Libération.
Enfin, une dernière variable est à prendre en compte avant d'imaginer un soutien en bonne et due forme au maire de Toulouse : ses chances de réussite. Inutile que LREM prenne le risque de se compromettre avec un édile qui n'a aucune chance d'être réélu. Celle de Jean-Luc Moudenc doit encore être évaluée.