"Cette élection est assez grotesque…" Chez Juppé, on a du mal à digérer. Mercredi se tiendra le vote pour la présidence des Jeunes républicains, un poste vacant depuis trois ans. Mais les conditions d’organisation du scrutin posent question. A commencer par l’existence d’une seule liste, et donc d’une seule candidate, certaine d’être élue, la sarkozyste Marine Brenier.
Un président sans papier. Force militante cruciale dans le cadre d’une campagne électorale, le mouvement jeunesse de la droite, - UMP puis Républicains - est en jachère. Début février, Stéphane Tiki, son président - adoubé par Nicolas Sarkozy - a été contraint de "se mettre en congé" après que Le Canard enchaîné a révélé qu’il était sans papiers. Depuis, silence radio. Tout s’est accéléré par la grâce de l’intervention de Nicolas Sarkozy, qui a décidé au début de l’été d’organiser l’élection à la rentrée de septembre et non en janvier comme prévu initialement.
Des statuts verrouillés. Début juillet, la commission des statuts s’est donc réunie pour définir les conditions du scrutin. Aurore Bergé, membre de ladite commission, était présente ce jour-là. Elle se souvient d’une réunion quelque peu agitée : "Benoist Apparu a plaidé pour une plus grande autonomie des Jeunes, y compris sur la plan financier. Il n’a pas été entendu par Nicolas Sarkozy…", regrette l’élue des Yvelines.
Tous les courants sont représentés. Le patron de l’UMP a une autre idée en tête : éviter à tout prix que les divisions qui ont eu cours chez les "grands" se répètent chez "les jeunes". Alors il plaide pour une liste d’union. "Dès que les conditions ont été connues, nous nous sommes mis autour d’une table et nous avons réussi à établir une liste d’union afin que chaque courant soit représenté", explique Geoffrey Carvalhinho (photo), numéro 2 de la liste et donc futur secrétaire général du mouvement, reçu plusieurs fois dans les bureaux du "patron", en compagnie de la future présidente.
Sur la liste en question figurent donc Marine Brenier (pour Nicolas Sarkozy… et Christian Estrosi, dont elle est maire adjointe à Nice) Antoine Sillani (pour Xavier Bertrand), Paul Guyot (pour Bruno Le Maire), Pierre Liscia (pour François Fillon) et Thomas Khaski (pour Alain Juppé). La grande famille des ténors de droite au grand complet ! "Si on avait refusé de rejoindre la liste d’union, alors on aurait été mis de côté et on aurait fait le jeu de Sarko. Et si on avait présenté une autre liste, on nous aurait accusés de joueur la désunion. Donc on a accepté d’y figurer, pour travailler…et surveiller", raconte un jeune dans l’entourage de Juppé.
"Cette élection ne fait que respecter les statuts de notre parti". Ceux qui ont essayé de se présenter indépendamment de la liste "officielle" sont restés sur le carreau. L’opposition interne aux JR, regroupée anonymement derrière le nom "La Liste", n’a pas rempli les conditions nécessaires. Et s’en est émue dans une tribune publiée dans L’Opinion : "Une autre liste souhaite se présenter ? Faisons en sorte qu’elle se retrouve bloquée. Avançons la date de scrutin de six mois, laissons-leur uniquement trois semaines pour déposer leur liste, empêchons les nouveaux adhérents de voter, faisons en sorte que pour se présenter il faille le soutien de 15 responsables départementaux des jeunes (RDJ) - alors que plusieurs départements n’en comptent même pas - et ajoutons qu’il faut sept anciens membres du BN sur chaque liste."
Réplique de Geoffrey Carvalhinho : "Si le scrutin a été accéléré, c’est simplement pour répondre à une demande de la base. Tout le processus a été validé par l’intégralité du bureau national des Républicains, tous courants confondus, début juillet ! Je comprends certaines critiques, mais cette élection ne fait que respecter les statuts de notre parti." Un membre de l’équipe jeune de Le Maire s’en étoufferait presque : "Sans l’aval des chefs à plume, il était impossible de s’organiser et de présenter sa candidature".
Quant aux menaces que les membres de "La Liste" assurent avoir reçues, le futur secrétaire général du mouvement nie en bloc : "c’est une invention de leur part. Si quelqu’un les avait effectivement menacé, alors cette personne n’aurait plus rien à faire dans notre équipe". C’est dit.
"Ce n’est pas une machine qui va rouler pour Sarkozy", mais… Si les conditions du scrutin posent problème sur la forme – "quand il y a trop de candidatures, vous criez à la cacophonie et quand on fait l’union, vous nous dites que ce n’est pas démocratique !" -, s’agace Geoffrey Carvalhinho, le fond inquiète aussi certains. "Cette élection, c’est une grosse tentative de verrouillage avant la primaire ! Les jeunes sont une force militante importante et Sarkozy ne pouvait pas prendre le risque de perdre cela", dénonce-t-on dans le camp Juppé.
Des accusations fantaisistes, à en croire Geoffrey Carvalhinho : "ce n’est pas une machine qui va rouler pour Sarkozy, mais pour les jeunes de France." Puis il ajoute : "Marine Brenier et moi nous sommes construits dans le sarkozysme, c’est vrai, mais nous ferons à fond la campagne du gagnant de la primaire". Les rivaux de Nicolas Sarkozy ont quelques doutes là-dessus.