C'est sans précédent sous la Ve République. Un président ne se présente pas à sa réélection au terme d'un seul mandat. Jeudi soir, vers 20 heures, François Hollande a annoncé avoir "décidé de ne pas être candidat" pour la présidentielle de 2017. D'une voix blanche, parfois légèrement hésitante, le chef de l'État a expliqué se sacrifier pour "l'intérêt supérieur du pays". "Je suis conscient des risques que ferait courir une démarche qui ne rassemblerait pas", a-t-il souligné.
François Hollande a donc fini par se ranger à l'avis de ses proches, Ségolène Royal et ses enfants notamment, qui le poussaient à jeter l'éponge. Un coup d'œil au sort d'un autre ancien président, Nicolas Sarkozy, à la primaire de son camp, et aux sondages qui ne redécollaient toujours pas, ont certainement achevé de le convaincre.
Si François Hollande a tenu à défendre son bilan, ne concédant qu'un "regret" sur la déchéance de nationalité, le chef de l'État a néanmoins reconnu que les résultats, notamment en termes d'emploi, avaient tardé à se faire sentir. Un début d'aveu d'échec qui vient clôturer un quinquennat en effet très tumultueux.
Acte 1 : premières cacophonies et renoncements
Arrivé à l'Élysée en mai 2012, François Hollande ne tarde pas à connaître des difficultés. La première étant, à peine un mois après son élection et avant même les législatives, le tweet assassin de sa compagne de l'époque, Valérie Trierweiler, pour soutenir l'adversaire de Ségolène Royal dans la première circonscription de Charente-Maritime.
Dès le mois de septembre, le président passe sous la barre des 50% de confiance dans les sondages, tandis que la courbe du chômage, elle, suit le chemin inverse en dépassant le cap des trois millions de demandeurs d'emploi. En octobre, la ratification du Traité budgétaire européen, que François Hollande avait pourtant promis de renégocier, enterre les premiers espoirs de certains électeurs.
Acte 2 : une victoire sociétale pour beaucoup de défaites
C'est aussi à la fin de l'année 2012 qu'est présenté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels. Une décision qui jette des centaines de milliers de personnes dans la rue dès le mois de janvier 2013. L'opposition à la loi Taubira durera des mois, mais le gouvernement tient bon. Encore aujourd'hui, le mariage pour tous reste l'une des mesures phares qui pourra être attribuée à François Hollande.
En mars, néanmoins, il est sévèrement ébranlé par la démission de son ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, accusé de blanchiment de fraude fiscale. Un coup très dur au sein d'un gouvernement qui avait fait de la transparence et de la chasse aux fraudeurs une priorité. L'entrée officielle de la France en récession, en mai 2013, vient également remettre en cause toutes les promesses du candidat Hollande, qui disait pouvoir ramener le déficit sous la barre des 3% dès la fin de cette année.
Sans compter que, politiquement, François Hollande a du mal à tenir ses troupes. Parce qu'elle proteste contre la baisse de l'enveloppe accordée à son ministère de l'Environnement, Delphine Batho est débarquée à l'été 2013.
Acte 3 : mauvaise communication et grogne sociale
S'il fallait ne retenir qu'une erreur du quinquennat Hollande, ce serait peut-être celle, récurrente, sur la communication. En octobre 2013, la désastreuse prise de parole du président dans l'affaire Leonarda –lorsqu'il propose à la jeune fille de revenir en France, mais sans ses parents- lui porte considérablement préjudice. Le chef de l'État apparaît dès lors comme un homme de l'entre-deux, qui ne sait pas décider. Parallèlement, ses ministres peinent aussi à vendre leurs réformes, notamment Vincent Peillon à l'Éducation avec les rythmes scolaires, qui suscitent une levée de boucliers des municipalités.
La grogne sociale en France ne cesse d'enfler. François Hollande est sifflé lors des commémorations du 11 novembre, qui interviennent alors qu'une partie du pays, notamment en Bretagne, est vent debout contre la mise en place d'une "écotaxe" sur les poids-lourds. En revanche, la réforme des retraites, annoncée à l'automne et votée fin novembre, ne suscite qu'une opposition limitée –ce qui reste notable pour une réforme des retraites.
Acte 4 : Hollande dans la tourmente
Début 2014, François Hollande donne toute la priorité à l'emploi, qui peine encore à redémarrer. Mais un scoop du magazine Closer focalise l'attention sur la vie privée du président, qui entretient une relation avec une actrice, Julie Gayet. L'annonce de la rupture avec Valérie Trierweiler ne tarde pas à tomber. Dans la foulée, les derniers chiffres du chômage pour l'année précédente portent le coup de grâce à la promesse faite par Michel Sapin, alors ministre du Travail, d'inverser la courbe en 2013.
Dans ce contexte, la victoire du dialogue social sur le pacte de responsabilité, approuvé par trois syndicats, est une bien maigre consolation.
Acte 5 : débâcle politique et personnelle
Fin mars 2014, les élections municipales sont une bérézina pour les socialistes, qui perdent la majorité des communes de plus de 30.000 et 100.000 habitants. Même des ministres doivent s'incliner dans leur fief. Le gouvernement est remanié, et Manuel Valls remplace Jean-Marc Ayrault à sa tête.
Mais la débâcle politique est aussi interne. Ce changement de Premier ministre, qui confirme le virage social-libéral du gouvernement pris avec le pacte de responsabilité, fracture la majorité parlementaire. Des dizaines de socialistes "frondeurs" s'abstiennent sur le premier vote de confiance à Manuel Valls et réitéreront à plusieurs reprises sur certains textes de loi.
Au sein même de l'équipe exécutive, l'harmonie n'est plus de mise. Arnaud Montebourg, à l'Économie, s'oppose si frontalement à la ligne officielle du gouvernement qu'il est débarqué fin août. Benoît Hamon, fraîchement arrivé à l'Éducation, le suit sans même avoir connu une rentrée scolaire. Aurélie Filippetti quitte également la Culture. Quelques jours seulement après le remaniement qui voit arriver notamment Emmanuel Macron à Bercy, Thomas Thévenoud, secrétaire d'État aux transports, est poussé à la démission par des révélations sur le non règlement de ses impôts.
Comme si cela ne suffisait pas, Valérie Trierweiler publie Merci pour ce moment, livre assassin pour François Hollande. Et sans surprise, en septembre, la gauche perd la majorité au Sénat.
Acte 6 : un rebond de courte durée
Début 2015, l'attentat meurtrier de Charlie Hebdo procure, paradoxalement, une bouffée d'air à François Hollande. En organisant une grande marche avec des dizaines de dirigeants du monde entier, le président français redore son blason. Mais ce rebond est de courte durée.
En février 2015, l'exécutif est si chahuté par sa majorité qu'il doit imposer la loi Macron à la force du 49.3. Deux mois plus tard, les départementales sont à l'image des municipales : une déroute. Le PS perd environ la moitié de ses élus.
Acte 7 : la descente aux enfers de la gauche
Lors des attentats du 13 novembre, François Hollande fait front. Mais les conséquences de son discours solennel prononcé trois jours plus tard seront politiquement désastreuses. Le président promet lors de cette allocution d'étendre la déchéance de nationalité, ce qui va empoisonner le débat pendant des mois. La gauche se fracture sur la question et l'abandon final de la mesure ne permettra pas d'effacer les stigmates de cette guerre qui aura également affecté le gouvernement. Christiane Taubira donne en effet sa démission le 27 janvier 2016. Le bon déroulement de la COP 21 ne parvient pas à faire oublier cette séquence.
Un autre texte divise profondément une majorité qui porte désormais bien mal son nom : la loi Travail. Là encore, le gouvernement dégaine le 49.3, faute de pouvoir compter sur toutes les voix de la gauche. Aux querelles politiques s'ajoute une grogne sociale durable, avec des manifestations qui sont bientôt marquées par des événements violents. L'action des forces de l'ordre est régulièrement pointée du doigt.
François Hollande doit aussi gérer son turbulent ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, qui multiplie les sorties de route, et dont la rivalité avec Manuel Valls est de plus en plus difficile à cacher. Emmanuel Macron finit par claquer la porte de Bercy à la fin de l'été 2016.
Acte 8 : un président ne devrait ni dire ni faire ça
L'action de François Hollande est d'autant plus remise en cause que la France est de nouveau, à l'été 2016, la cible d'attaques terroristes. L'assassinat de deux fonctionnaires de police à Magnanville le 13 juin, puis l'attentat commis sur la Promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet, jettent un peu plus le discrédit sur le chef de l'État, qui bat son record d'impopularité avec 4% d'opinions favorables en octobre.
La parution d'une série de livres de confidences n'aide pas le président, que même ses proches de toujours ont du mal à comprendre. Suicide politique ? Inconscience ? Certains, à l'image de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, ne lui pardonnent pas. Plus vulnérable politiquement que jamais, François Hollande voit son Premier ministre, Manuel Valls, prendre l'espace que lui n'occupe plus. Et tenter de s'imposer comme un recours, alors que la droite, elle, a choisi un chef derrière lequel se ranger lors de sa primaire, en la personne de François Fillon.
Les choses s'accélèrent brusquement avec une interview de Manuel Valls dans le JDD, dimanche. Le Premier ministre n'hésite pas à disqualifier une candidature de François Hollande. Soulignant le "désarroi", le "doute" et la "déception" chez les électeurs de gauche, il sous-entend que le président en exercice n'a pas saisi la mesure de ce climat délétère et l'appelle à prendre ses "responsabilités". Lui-même se dit prêt à "prendre [sa] décision en conscience". Qu'un Premier ministre désavoue ainsi son président est inédit sous la Ve République. Désormais, Manuel Valls a toute latitude pour s'engouffrer dans la brèche.