Déchéance de nationalité : comment Nicolas Sarkozy se sort du piège

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M.Du , modifié à
Nicolas Sarkozy s’est prononcé mercredi contre la déchéance de nationalité pour tous. Aurélie Herbemont, journaliste à Europe 1, décrypte la stratégie du patron des Républicains sur un débat qui déchire les partis politiques. 

Non à l’extension de la déchéance de nationalité aux "mono-nationaux". Nicolas Sarkozy a été très clair mercredi au bureau politique des Républicains : il est opposé à la déchéance de nationalité pour tous, mesure portée par des voix de gauche et quelques voix à droite. Que cache donc cette position ? Est-ce une façon de reprendre la main dans un dossier qui pouvait affaiblir la droite ? Réponses avec Aurélie Herbemont, journaliste à Europe 1 et spécialiste de la droite.

Nicolas Sarkozy se prononce donc contre la déchéance de nationalité pour tous, est-ce une surprise ?

Non, parce que pour les Républicains, on ne peut créer des apatrides, et même si l’on n'a pas ratifié la Convention de Genève de 1961, c’est un peu gênant pour le pays des droits de l’Homme. Sur le fond de la mesure, ce n’est pas très étonnant. Sur la forme non plus d’ailleurs. A droite, ils veulent bien voter la mesure telle qu’eux l’ont toujours défendue mais ils estiment qu'ils ne sont pas là pour sauver François Hollande. Pour les Républicains, c’est "on fait ce qu’on a dit au Congrès, on veut juste ce qu’a promis le président".

Quelle est donc la stratégie de Nicolas Sarkozy sur la question ?

C’est compliqué pour lui. En mettant la déchéance de nationalité dans le débat, François Hollande a fait un très bon coup tactique. Dans un sens, il tort le bras à la droite en leur disant : "je propose ce que vous proposez, c’est impensable que vous ne votiez pas". La droite a donc essayé de se dépêtrer du piège. Elle a d’abord été très contente quand elle a entendu qu’Hollande allait reculer. Mais le chef de l'Etat tient bon et il y a un flottement à droite : "on y va, on y va pas". Ils se disent : "nous ne sommes pas là pour offrir un Congrès à Hollande sur un plateau". Finalement, ils se sont dit que c’était impossible politiquement de rejeter par principe une mesure qu’ils défendaient eux-mêmes. Et là où le piège se retourne, c’est quand la droite dit non à la déchéance pour tous.

On se retrouve dans un "monde inversé". Nicolas Sarkozy qui dit "non" à une mesure que l’on aurait jamais cru pouvoir venir du camp de la gauche mais plutôt de la droite, voire de l’extrême droite…

Ah oui, on est totalement à front renversé. Comme me le disait Bruno Retailleau (le président LR du conseil régional des Pays de la Loire) hier, c’est totalement "cul par-dessus tête". La droite a toujours prôné la déchéance de nationalité, la gauche ne voulait pas en entendre parler. Il y a les attentats, la gauche se convertit à la déchéance de nationalité par tactique, par symbole…  La droite ne sait pas sur quel pied danser parce qu’elle réclame cette mesure depuis longtemps. Et finalement, la gauche va dans la surenchère en proposant la déchéance pour tous. On se retrouve donc avec une partie de la gauche qui déborde la droite par l’extrême droite.

C’est du jamais-vu ?

Oui, c’est assez inédit. Ajoutons à cela le positionnement inattendu de Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle qui n’est pas connue pour être la plus à droite du parti, est sur la même ligne que la gauche...que le reste de son parti accuse d’être une ligne d’extrême-droite. Si quelqu’un comprend encore quelque chose aux positionnements politiques, bon courage.