Un petit coup de gomme sera-t-il suffisant pour mettre fin à plus d'un mois de débats houleux sur la déchéance de nationalité ? Selon nos informations, François Hollande serait prêt à retoucher le projet de loi constitutionnel présenté en Conseil des ministres le 23 décembre dernier. Ce texte prévoyait en effet d'étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France reconnus coupables d'actes terroristes. Une mesure qui s'est attiré les foudres d'une bonne partie de la gauche, et même de quelques personnalités de droite.
Enlever la notion de "nés en France". Le président de la République aurait donc donné son accord pour faire une concession : enlever la notion de "nés en France" dans la version finale de la réforme, présentée le 3 février en Conseil des ministres. Il n'y aurait ainsi plus de distinction entre les personnes nées françaises et celles ayant acquis la nationalité plus tardivement.
Peu de modification dans les faits. Cette modification sera-t-elle suffisante pour calmer les opposants à la réforme, qui s'insurgeaient, entre autres, contre le fait que la loi allait créer deux catégories de Français et nuisait donc à l'égalité ? Rien n'est moins sûr. Car en réalité, ce coup de gomme ne change rien. Dans les faits, les personnes ayant acquis la nationalité française pouvaient déjà être déchues de leur nationalité. L'inégalité dénoncée par la gauche, mais aussi par une partie de la droite, n'était pas entre deux sortes de binationaux, mais bien entre les binationaux et les autres Français. "Je ne veux pas qu'on stigmatise les binationaux", résumait ainsi Jean-Pierre Raffarin dimanche, sur Europe 1.
Une mesure pour tous. Ce que réclamaient les détracteurs de l'extension de la déchéance de nationalité, c'est une mesure qui s'applique indifféremment à tous, binationaux ou non. "Je suis pour une déchéance, mais qui touche tout le monde. La déchéance pour tous, mais pas de nationalité", expliquait ainsi l'écologiste Barbara Pompili sur Europe 1 la semaine dernière. Peine d'indignité nationale ou "déchéance de citoyenneté" ont ainsi été évoquées. Ils n'ont pas été entendu par l'exécutif.
Un calcul politique. Si François Hollande s'est ainsi embourbé dans un interminable débat qui a sévèrement fracturé sa majorité, c'est que cette loi constitutionnelle relève moins d'une réforme présidentielle que d'un calcul politique de chef de parti. Espérant récolter les 3/5e des voix du Parlement, le chef de l'Etat a opté pour la déchéance de nationalité afin de séduire la droite. Mais il a sous-estimé l'hostilité de son propre camp, s'empêtrant dans un feuilleton qui renvoie un sentiment de confusion.
Victoire à la Pyrrhus pour Hollande. Le vote de la réforme constitutionnelle reste néanmoins probable. Les parlementaires de gauche comme de droite n'ont pas intérêt à faire échouer une loi censée symboliser la riposte de la République face au terrorisme. Mais pour François Hollande, cette adoption sonnera comme une victoire à la Pyrrhus. Non seulement la gauche, qui ne sera pas unanime dans son vote, en sortira fracturée, mais le président socialiste devra à Nicolas Sarkozy, président des Républicains, d'avoir fait adopter la seule réforme institutionnelle de son quinquennat.