Finie l'introspection : après un été passé à ressasser les raisons de la défaite (142 députés RN et ciottistes élus, derrière la gauche, la macronie et surtout de la majorité absolue de 289 sièges un temps rêvée), le grand raout azuréen doit permettre d'affirmer autant le pouvoir que les ambitions du parti d'extrême droite.
Prendre le contre-pied de l'actualité judiciaire
Sur la scène du palais Nikaïa, Marine Le Pen puis Jordan Bardella doivent prononcer un discours de rentrée, alors que les traditionnelles universités d'été du mouvement avaient été cette année sacrifiées. Seules d'austères journées parlementaires, à Paris il y a trois semaines, avaient été l'occasion d'une purge de cadres locaux jugés responsables des médiocres candidatures présentées dans nombre de circonscriptions lors des législatives.
Pour la triple candidate malheureuse à la présidentielle, il s'agit de prendre le contre-pied, voire de faire un pied-de-nez à une actualité judiciaire entamée lundi avec l'ouverture de son procès. Avec 24 autres prévenus, dont le Rassemblement national en tant que personne morale, elle doit répondre pendant deux mois de détournement de fonds publics pour avoir fait travailler des assistants d'eurodéputés RN au seul bénéfice du parti.
Si elle entend participer pleinement à son procès, manière de faire comprendre "la réalité" de la vie politique, tel qu'elle l'a formulé à ses juges, son arrivée devant le tribunal correctionnel sous les flashs de dizaines d'appareils photos et caméras a marqué les esprits.
En jeu : une peine d'emprisonnement, d'amende, mais surtout d'inéligibilité
Marine Le Pen se trouve d'autant plus sur une ligne de crête que le MoDem a été condamné l'année dernière dans un dossier en tous points similaires. En jeu : une peine d'emprisonnement, d'amende, mais surtout d'inéligibilité.
Devant ce péril, la patronne des députés RN entend faire du meeting de Nice un énième jalon d'une quatrième candidature à la présidentielle, aux côtés de Jordan Bardella, promis Premier ministre en cas de victoire. Si le nom du président du RN a été prononcé lors de la première journée d'audience pour avoir lui aussi été assistant d'un eurodéputé, un procès lui a été épargné.
Nouvelle stratégie de la saturation
Un avantage notable, face à une situation politique hautement incertaine : alors que le gouvernement Barnier doit sa nomination à la décision de Marine Le Pen de ne pas voter une censure immédiate, son avenir, ou son salut, est fonction du bon vouloir des députés RN de faire durer ou non le supplice chinois. De là à imaginer, voire espérer, une nouvelle dissolution l'année prochaine ? "Il faut être prêt à tout", a martelé Marine Le Pen à ses troupes.
Le RN a par ailleurs acté une nouvelle stratégie de la saturation: la démonstration de force de Nice doit être suivie "tous les mois" par des meetings géants, permis par la manne financière obtenue grâce aux quelque 10,6 millions de voix du premier tour des législatives.
Objectif : convaincre de sa professionnalisation pour accéder au pouvoir et parer à toute éventualité, quand le "plan Matignon" élaboré par l'ancienne direction du parti, tant vanté pour supposément avoir "tout prévu", s'est révélé aussi famélique qu'inefficace une fois la dissolution survenue.
Les lepénistes s'interrogent surtout sur la manière dont le gouvernement parviendra à faire voter le périlleux budget 2025 dans les prochaines semaines. "Ils n'y arriveront pas", prophétise le député RN Jean-Philippe Tanguy, selon qui "on demande aux gens de payer sans résultats". Or, "s'associer à un plan qui va être hyper impopulaire, qui n'aura pas de résultat, je ne vois pas l'intérêt", poursuit-il. Un autre parlementaire lepéniste abonde en s'autorisant une hypothèse: "Peut-être que le président de la République va finir par devoir démissionner".