Jacques Chirac en conversation avec Serge Klarsfeld (au centre) à une exposition à l'ancien camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, en 2005.
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Au micro d'Europe 1, dimanche, alors que le cercueil de Jacques Chirac est arrivé aux Invalides, l'avocat, historien et ancien déporté Serge Klarsfeld salue le "courage" d'un président qui a su pratiquer une "rupture" avec ses prédécesseurs sur la question de la déportation avec un discours marquant, en 1995.
TÉMOIGNAGE

Ce fut le premier président de la République à reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation des juifs sous le régime de Vichy, pendant la Seconde Guerre mondiale. C'était en 1995, et Serge Klarsfeld se souvient encore des mots que Jacques Chirac a prononcés ce 16 juillet 1995 : "La France, patrie des Lumières et des droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux."

Une histoire personnelle décisive ?

Au micro d'Europe 1, dimanche, le président des Fils et des Filles de déportés juifs de France insiste sur le fait que ce qui se joue alors, 50 ans après la fin de la guerre, "ce n'est pas seulement la condamnation de l'État français, c'est la reconnaissance de la responsabilité de la France" dans la déportation des juifs de France. Selon Serge Klarsfeld, c'est une véritable "rupture" avec François Mitterrand et Charles de Gaulle qui, eux, avaient reconnu la responsabilité de l'État français de Philippe Pétain.

"Il a prononcé ces mots pour faire en sorte que la France regarde son passé en face", insiste l'avocat, convaincu que l'histoire personnelle de Jacques Chirac a eu une influence sur sa vision de cette période de l'Histoire de France : "Il était le premier président à ne pas avoir été jeune homme pendant la guerre. Enfant, il a eu la vision de deux France qui se combattaient et heureusement, c'est la bonne France qui a triomphé."

Chirac, "français jusqu'au bout des ongles"

Au-delà de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation, fait marquant de son bilan présidentiel sur l'histoire mémorielle, Jacques Chirac connaissait Serge Klarsfeld "depuis les années 1970". "Il avait suivi nos campagnes, avec Beate [l'épouse de Serge Klarsfelfd] pour faire condamner les criminels nazis", relate l'auteur de La Shoah en France. "Comme maire de Paris, il venait très simplement dans la foule, avec la kippa, boulevard de Grenelle. Il a aussi prononcé un discours, le 18 juillet 1986, qui préfigure le discours de 1995."

" Les Français se reconnaissent en lui, ils sentent qu'ils ont perdu quelqu'un de leur famille "

C'est donc naturellement que Serge Klarsfeld considère que Jacques Chirac "mérite" aujourd'hui l'hommage populaire qui lui est rendu, avec la présentation de son cercueil aux Invalides, dimanche. "Il était français jusqu'au bout des ongles et les Français se reconnaissent en lui, ils sentent qu'ils ont perdu quelqu'un de leur famille", témoigne l'avocat. "Il a été courageux pour le Vel d'Hiv, l'Irak, et d'avoir toujours repoussé cette alliance avec le FN. Il a été un grand président."