Jean-Michel Aphatie partage avec inquiétude le constat dressé par Alain Juppé sur l'état "délétère" de la démocratie française, lors de ses adieux à la mairie de Bordeaux. "Ce n'est pas gai, mais c'est juste" et "dans ce constat-là, les élus ont une part écrasante", analyse l'éditorialiste d'Europe 1.
"Alain Juppé s'est montré très pessimiste sur l'avenir, en tout cas sur l'état de la démocratie française. Beaucoup de citoyens jugent que les hommes politiques sont égoïstes, cyniques, voire qu'ils ont pris dans la caisse donc qu'ils sont corrompus, voire pourris.
Penchons nous sur les propos d'Alain Juppé, avec ce constat en tête. 'C'est un arrachement que de me séparer de qui j'ai tant aimé, à qui j'ai tant donné. Allez, aidez-moi', a-t-il déclaré, avec des sanglots dans la voix. Première question : Alain Juppé est-il sincère avec ses sanglots ? Évidemment, oui. Est-ce qu'Alain Juppé, maire de Bordeaux depuis 1995, a servi honnêtement les gens de la ville qu'il dirigeait ? Évidemment, oui.
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"Aujourd'hui, c'est presque révolutionnaire de dire d'un homme politique, qu'il est sincère et qu'il a été honnête"
Aujourd'hui, c'est presque révolutionnaire de dire d'un homme politique, qu'il est sincère et qu'il a été honnête, parce que l'on a le sentiment de l'inverse. C'est une faiblesse de l'esprit. Alain Juppé a été un dirigeant politique honnête et de bon niveau et aujourd'hui, il y a une lâcheté de l'esprit à ne pas vouloir le reconnaître. Il faut mettre chaque citoyen en garde. A force de creuser ces mauvais sillons-là, un jour il pourrait nous arriver des catastrophes. Aujourd'hui, Alain Juppé sort par la grande porte.
Quel est l'état de notre démocratie ? Très mauvais selon Alain Juppé : 'L'esprit public est devenu délétère. Dans ce climat général, infectés par les mensonges et les haines, l'esprit public, la vie publique, sont difficiles à vivres et lourds à porter.' Ce n'est pas gai mais c'est juste.
"Dans ce constat-là, les élus ont une part écrasante"
Mais dans ce constat-là, les élus ont une part écrasante. Pour aller du moins grave au plus grave, l'absentéisme dans les assemblées, c'est un poison dans les démocraties. On ne comprend pas que des gens élus ne siègent pas dans les lieux où ils ont eux-mêmes voulu aller. Il existe en France un sentiment d'impunité vis-à-vis d'élus qui ont triché, et parfois volé. Les campagnes électorales récentes, dans les 20 ou 30 dernières années, ont été tellement mensongères que les gens se sont mis à douter de manière presque systématique. Et il y a eu tellement de promesses qui ont été faites n'importe comment et qui, ensuite, n'ont pas été tenues parce qu'elles étaient intenables, que le doute s'est installé.
Et aujourd'hui, c'est ce que dit Alain Juppé. La méfiance entre les élus et les électeurs est immense et personne ne sait comment la dissiper. Dans un pays comme le notre, la démocratie est quelque chose d'indépassable. On ne peut pas théoriser l'inverse de la démocratie. Personne ne dira que la dictature, ou même le régime autoritaire, sont supérieurs à la démocratie. Pourtant, la démocratie peut disparaître. Ça, c'est le mystère de la politique sur lequel nous ferions mieux de réfléchir. Ce qui n'a pas d'alternative peut disparaître. Souhaitons nous qu'un jour, nous ne connaissions pas l'accomplissement de ce mystère."