Opposés aux réformes du ministre de l'Éducation nationale, les syndicats d'enseignants ont une nouvelle fois manifesté ce jeudi. Le projet de loi "sur l'école de la confiance" suscite la défiance. Voté par l'Assemblée nationale, il doit encore passer début mai devant le Sénat et les syndicats aimeraient le voir retoqué ou même abrogé.
Chaque niveau porte des revendications. Les enseignants d'école élémentaire craignent que le poste de directeur d'école ne disparaisse après la fusion des établissements. Dans le secondaire, les professeurs s'opposent à la réforme du bac et de la suppression des séries (L, S, ES) remplacées par des choix de spécialité. Samedi dernier, 36.000 enseignants d'écoles maternelles et élémentaires, de collèges et lycées, selon le ministère de l'Intérieur, ont défilé.
>> L'éditorialiste d'Europe 1 Jean-Michel Aphatie revient sur les erreurs et les maladresses du ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.
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"C'est plus qu'un avertissement pour le ministre, c'est une gifle qui lui est donnée par le corps enseignant. Car la grève s'annonce très suivie, comme cela n'avait pas été le cas depuis longtemps. Jusqu'à présent, Jean-Michel Blanquer avait plutôt fait un sans faute. D'abord parce qu'il connaît bien l'Éducation nationale - il est ministre depuis deux ans - et puis il avait un certain bon sens qui lui avait plutôt réussi. Mais il présente en ce début d'année un projet intitulé "pour une école de la confiance", un projet de loi touffu, complexe, un peu technocratique auquel on n'a parfois pas compris grand chose.
Par exemple, il demande aux enseignants un devoir d'exemplarité... or personne ne voit vraiment ce que le ministre met derrière ce devoir. Et puis le regroupement des écoles primaires autour d'un collège a semblé dangereux aux syndicats car cela pourrait annoncer, selon eux, la fermeture de classes. Donc les syndicats ont beaucoup mobilisé auprès des enseignants sur cette question.
Le 19 mars, il y a eu une grève très suivie, puis 36.000 enseignants étaient dans la rue le 30 mars... Et aujourd'hui [jeudi], 60% des écoles primaires sont annoncées fermées en région parisienne. La rébellion couve dans l'Éducation nationale. Et si Edouard Philippe et Emmanuel Macron n'ont pas besoin d'une chose en pleine crise des 'gilets jaunes', c'est bien qu'il y ait un problème avec les enseignants.
Que fait Jean-Michel Blanquer ? Il a donné une interview au Parisien dans laquelle il baisse pavillon. Il est complètement battu en rase campagne. 'Je suis prêt à amender mon projet de loi', a-t-il déclaré puisque celui-ci va être débattu au Sénat en mai, c'est-à-dire qu'il est prêt à retirer tout ce qui ne va pas. Il a envoyé une lettre aux enseignants pour préciser son projet de loi, une manière de dire qu'il s'était mal exprimé. Hier encore, il a envoyé une lettre aux directeurs d'écoles primaires pour leur dire qu'il n'allait pas supprimer leur poste. Il explique ce qu'il a voulu faire et qu'il n'a pas bien travaillé. S'il avait été examinateur de la copie du projet de loi, il se serait mis un 5 ou un 6 sur 20.
C'est une faute pour le ministre. Une faute générale car en mettant le feu à l'Éducation nationale, il se fragilise et c'est une faute dans le contexte : Emmanuel Macron n'a vraiment pas besoin de ce désordre supplémentaire. Il prépare la sortie du 'grand débat national' et il a plutôt besoin de calme et de tranquillité. Matignon a donc demandé à Jean-Michel Blanquer d'en rabattre un peu, ce qu'il fait. C'est assez rare de voir un ministre capituler en rase campagne face à des syndicats enseignants. Le projet va être discuté et amendé en mai au Sénat. C'est à l'importance des amendements que l'on mesurera la perte d'autorité de Jean-Michel Blanquer, ministre depuis deux ans. Mais on n'est pas sûr qu'il restera encore deux ans."