Emmanuel Macron commémore samedi le 80e anniversaire de la libération de Strasbourg du joug nazi avec un hommage à la résistance alsacienne, aux incorporés de force et à l'historien Marc Bloch qui va être panthéonisé. Le chef de l'État, qui poursuit un long cycle mémoriel autour des 80 ans de la Libération de la France et de la fin de la Seconde Guerre mondiale, est arrivé vers 11h45 place Broglie pour une cérémonie militaire. Il a passé en revue les troupes et s'est incliné devant le monument dédié au général Leclerc.
Il se rendra ensuite à une soixantaine de kilomètres de Strasbourg, dans l'ancien camp de concentration nazi de Natzweiler-Struthof, le seul érigé sur le territoire français alors que l'Alsace était annexée de fait par le IIIe Reich. Place Broglie, il saluera la mémoire du général Leclerc et des hommes de la Deuxième division blindée, libérateurs de Strasbourg le 23 novembre 1944, après s'être juré trois ans plus tôt lors du serment de Koufra (Libye) de combattre jusqu'à ce que le drapeau français flotte sur la capitale de l'Alsace.
"Quand on a su que le drapeau était sur la cathédrale, on avait atteint notre but, la liberté, libérer l'Alsace, une province chère au cœur de la 2e DB", a témoigné auprès de journalistes Roger Le Neures, 101 ans, combattant volontaire de la résistance dans les Forces Françaises Libres (FFL) et la 2e DB, présent sur place. En forme de clin d'œil, les couleurs de la France seront de nouveau hissées sur la flèche de la cathédrale de Strasbourg durant la cérémonie.
"Poser des mots et des actes"
Emmanuel Macron prendra ensuite la parole au Palais universitaire de Strasbourg. "Ce sera l'occasion d'évoquer la résistance des Alsaciens, la libération du territoire et le toujours délicat sujet des incorporés de force d'Alsace-Moselle" dans la Wehrmacht, a indiqué l'Élysée. Plus de 130.000 Alsaciens et Mosellans, considérés comme Allemands après l'annexion de ces territoires, ont dû intégrer l'armée allemande, un drame qui reste douloureux dans la région, 80 ans après la fin de la guerre.
L'incorporation de force, c'est "une chose qui a toujours été mal comprise", a déclaré à l'AFP Jean-Marie Hostert, 99 ans, l'un de ces "Malgré-nous". "Nous, on ne voulait pas y aller", explique le nonagénaire, présent samedi pour les commémorations. Très longtemps, les "Malgré-nous", associés pour certains à l'un des pires massacres de civils commis par les Nazis en Europe occidentale à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) en 1944, sont demeurés un sujet relativement tabou.
"Après la guerre, on va surtout valoriser la mémoire héroïque, résistante, tout ce qui peut refaire le ciment de la France. Et dans toute cette histoire, les 'Malgré nous', ça fait un peu tache, ce n'est pas glorieux, ça ne permet pas de construire une mémoire qui sera nationale", pointe l'historien Christophe Woehrle. "80 ans après, il faut poser des mots et des actes, il faut sortir des sentiments" de honte et de la "non-reconnaissance", a récemment estimé la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian.
Entre France et Allemagne
Emmanuel Macron a aussi annoncé l'entrée au Panthéon de l'universitaire et résistant Marc Bloch, arrêté par la Gestapo et fusillé trois mois plus tard en 1944. À l'issue du discours, il a remis aussi la Légion d'honneur à son fils Daniel Bloch. Professeur d'histoire du Moyen-Age à l'université de Strasbourg de 1919 à 1936, Marc Bloch a renouvelé en profondeur le champ de la recherche historique en l'étendant à la sociologie, la géographie, la psychologie et l'économie.
En 1929, il a notamment fondé avec Lucien Febvre la revue des "Annales d'histoire économique et sociale", qui a eu une résonance universitaire dans le monde entier. Capitaine et Croix de guerre en 1914-1918, de nouveau mobilisé en 1939, Marc Bloch s'engage dans la résistance au tournant des années 1942/43. L'auteur de "L'étrange défaite", écrit en 1940 et publié après la guerre, est arrêté à Lyon le 8 mars 1944, emprisonné et torturé à la prison de Montluc, puis fusillé le 16 juin avec 29 de ses camarades.
Au Struthof, Emmanuel Macron ravivera la flamme au pied du Mémorial aux héros et martyrs de la déportation, après une "visite sobre et solennelle" du camp nazi. Sur les 50.000 détenus internés au Struthof ou dans ses camps annexes, 17.000 sont décédés ou ont disparu. Le chef de l'État visitera également le Musée mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck, qui retrace l'histoire des habitants de la région, ballotés entre France et Allemagne durant des décennies entre 1870 et 1945, et rend hommage aux 36.000 Alsaciens et Mosellans décédés durant la guerre.