Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a entamé mercredi une visite de trois jours en Corse pour tenter de ramener le calme en offrant la perspective d'une "autonomie", tout en prévenant que rien ne pourra avancer sans la fin de la violence. Juste avant d'arriver, le ministre de l'Intérieur avait déclaré à Corse-Matin : "Nous sommes prêts à aller jusqu'à l' autonomie. Voilà, le mot est dit".
Mercredi soir, après une après-midi de consultations des acteurs politiques, économiques et sociaux de l'île, Gérald Darmanin s'est engagé sur un calendrier. "J'ai proposé que d'ici la fin de l'année 2022, nous puissions accélérer pour nous mettre d'accord sur ce que nous souhaitons sur l'évolution institutionnelle de l'île" qui pourrait aller, "peut-être, jusqu'à l'autonomie", a-t-il déclaré à la presse. Selon lui, cela pourrait passer par un statut à la polynésienne, avec l'économie et le social à la collectivité, et le régalien à l'Etat. Ou par un statut propre à la Corse.
Un dialogue impossible "si des bombes agricoles sont jetées sur les forces de l'ordre"
Toutefois, ce dialogue sera impossible "si des bombes agricoles ou des haches sont jetées sur les forces de l'ordre", a-t-il prévenu, insistant sur les 130 blessés chez les policiers et gendarmes depuis le 2 mars et l'agression du militant indépendantiste Yvan Colonna en prison, qui a déclenché des manifestations voire des émeutes dans l'île. L'ancien berger purgeait à Arles une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l'assassinat du préfet Erignac en 1998 à Ajaccio.
Malgré ce "peut-être" rajouté dans la journée par Gérald Darmanin, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a salué "des engagements très forts", qu'il "souhaite voir consignés dans un document, avec un calendrier": "Dans ce cas, je pourrai considérer que nous avons posé la première pierre d'un processus historique". Rappelant que l'autonomie est "le droit commun de toutes les grandes îles de Méditerranée", Gilles Simeoni avait évoqué mercredi matin "le statut très abouti d'autonomie des Açores", avec une reconnaissance de ce peuple dans la constitution portugaise et des "compétences exclusives du gouvernement des Açores dans les domaines principaux de la vie quotidienne".
Pas d'inquiétudes après les menaces du FLNC
Dans ce contexte de dialogue, les menaces du Front de libération nationale de la Corse (FLNC) de reprendre la lutte n'ont pas semblé inquiéter outre mesure. Quelques heures avant l'arrivée du ministre, le FLNC, qui avait déposé les armes en 2014, a en effet mis en garde dans un communiqué à Corse-Matin : "Si l'Etat français demeurait encore sourd (...), les combats de la rue d'aujourd'hui seront ceux du maquis de la nuit de demain". Mais Gérald Darmanin a balayé ce sujet, expliquant qu'il ne discutait qu'"avec des gens démocratiquement élus".
"Je pense que j'ai vu des communiqués du FLNC plus durs dans le passé. (...) C'est une contribution parmi les autres", a ironisé Laurent Marcangeli, maire divers droite d'Ajaccio et chef de l'opposition de droite à l'Assemblée de Corse. "Ce regain de visibilité et d'activisme du FLNC est intimement lié à la défaite territoriale de Corsica Libera lors du dernier scrutin et à la nécessité pour lui désormais de peser autrement", a analysé une source sécuritaire. En 2021, le parti indépendantiste a en effet essuyé un échec électoral avec une seule élue à l'assemblée de Corse.
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Darmanin promet de faire "toute la lumière" sur l'agression de Colonna
Après deux semaines de manifestations parfois violentes, plusieurs bâtiments publics de l'île ont été occupés mercredi. "Ce sont des occupations pacifiques, qui montrent que la mobilisation reste forte et qu'elle continuera et s'amplifiera si la réponse politique attendue par tout le monde n'est pas apportée", a prévenu Gilles Simeoni. Devant la Collectivité de Corse, où le ministre a enchaîné les réunions toute l'après-midi, quelque 300 personnes se sont réunies et des affiches "Colon Fora" (NDLR : "Colons dehors") ou "Statu francese assassinu" (NDLR : "Etat français assassin") ont notamment été attachées aux grilles.
"Nous allons faire toute la lumière" sur "l'agression ignoble" d'Yvan Colonna, a promis le ministre. Outre l'enquête judiciaire, les auditions ont commencé mercredi à l'Assemblée nationale sur cette affaire et les conclusions de l'enquête administrative seront elles "rendues publiques la semaine prochaine", a-t-il annoncé. L'agression d'Yvan Colonna, qui est toujours dans le coma, a été le détonateur des tensions entre l'Etat et les nationalistes, frustrés que leurs victoires dans les urnes (élections territoriales de 2015, 2017 puis 2021) n'aient pas fait aboutir leurs revendications pendant le quinquennat.