Commerces vandalisés, voiture brûlée, affrontements avec les forces de l'ordre: une manifestation régionale contre la réforme des retraites, samedi à Rennes, a une nouvelle fois été marquée par de nombreux heurts, au lendemain de violences dans le centre-historique. Plus d'un millier de personnes, des jeunes pour la plupart, s'étaient rassemblées dans le calme en début d'après-midi place de la République, à l'appel notamment de collectifs rennais sur les réseaux sociaux.
Une manifestation "non autorisée" selon la préfecture. Moins d'une demi-heure après le départ du cortège, la situation s'est tendue, selon des journalistes de l'AFP sur place. Pris pour cible par des tirs de projectiles de la part de jeunes habillés de noir, les forces de l'ordre ont répliqué par de nombreux tirs de gaz lacrymogène et par l'intervention d'un canon à eau. Une gendarme mobile a été blessée lors de ces affrontements, selon la préfecture. Huit personnes avaient été arrêtées peu après 17h.
Les informations principales :
- Emmanuel Macron s'exprimera lundi soir dans une allocution, a annoncé l'Élysée
- Les leaders de la CFDT et de la CGT, Laurent Berger et Sophie Binet, ont jugé tour à tour que la promulgation de la réforme des retraites était un signe de "mépris"
- Des tensions ont eu lieu lors d'une manifestation régionale à Rennes
- Après les retraites, "nous sommes déterminés à accélérer" les réformes, affirme Elisabeth Borne
Après les retraites, "nous sommes déterminés à accélérer" les réformes, affirme Elisabeth Borne
"Nous sommes déterminés à accélérer" les réformes après celle des retraites, a assuré Élisabeth Borne lors d'un discours prononcé devant le Conseil national du parti Renaissance, samedi à Paris, deux jours avant l'allocution d'Emmanuel Macron. "Nous voulons bâtir la France du plein-emploi", "garantir l'égalité des chances", "agir" pour la santé et encore l'éducation, a martelé la Première ministre. Elle s'exprimait pour la première fois depuis la validation partielle de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, suivie de sa promulgation par le président de la République. "Aujourd'hui, il n'y a ni vainqueur ni vaincu. Il y a une réforme difficile, je le sais. Une réforme qui demande des efforts à beaucoup de nos compatriotes, j'en suis consciente. Mais une réforme qui tient compte des situations de chacun. Une réforme nécessaire pour garantir l'avenir de notre système par répartition", a déclaré la Première ministre.
Après avoir mené des consultations avec les forces politiques à la demande du chef de l'Etat, la Première ministre a laissé entrevoir un statu quo, alors que l'exécutif est dépourvu d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. "Je suis convaincue que si l'heure n'est pas aux coalitions, des majorités sont possibles, projet par projet, pour offrir des solutions aux Français", a-t-elle dit. Fragilisée depuis l'adoption de la réforme par le 49.3 à l'Assemblée, après le rejet à seulement neuf voix d'une motion de censure contre son gouvernement, Mme Borne a prôné "humilité", "respect", "attention" pour "être à l'écoute de nos compatriotes". "Pour y parvenir, je crois dans un principe: le dépassement" entre la droite et la gauche, "l'identité même de notre parti" Renaissance, a-t-elle une nouvelle fois réaffirmé. "Bien sûr, nous allons nous heurter aux nostalgiques des vieux clivages, à ceux qui préfèrent se renier plutôt que de construire avec nous, à ceux qui sacrifient l'intérêt du pays pour aller dans le sens du vent. Mais, nous ne serons jamais le camp du renoncement", a assuré la cheffe du gouvernement.
De nouveaux débordements à Rennes
Sur la place de la République où ils étaient cantonnés, des casseurs ont notamment endommagé la devanture d'une agence bancaire CIC. Du mobilier et des ordinateurs ont été sortis sur le trottoir et incendiés. Ils ont également saccagé le hall d'un hôtel Mercure voisin, taguant "les bourgeois au RSA" sur la façade de l'établissement. Une voiture garée sur un parking adjacent à la place de la République a été entièrement incendiée, une autre partiellement brûlée et plusieurs véhicules de marque premium ont eu leurs vitres brisées. Divers feux de poubelles ont également été allumés. La manifestation était encadrée par un important dispositif policier, au lendemain d'une série de débordements dans le centre de la ville où les portes d'un commissariat et d'un ancien couvent reconverti en centre de congrès, le Couvent des Jacobins, avaient été incendiées, et de nombreuses devantures de commerces vandalisées.
"Je n'ai pas envie d'être la génération qui a laissé passer cette réforme", expliquait à l'AFP Benoît, 24 ans, qui a participé à presque toutes les manifestations contre la réforme des retraites. Le jeune homme exprime sa colère d'avoir découvert au réveil que le président Emmanuel Macron avait promulgué la loi dans la nuit, quelques heures après la validation de l'essentiel de la réforme par le Conseil constitutionnel. "Apprendre au réveil qu'il a fait ça en douce dans la nuit, c'est abusé. Ca continue dans la lignée de quelqu'un de totalitaire et qui ne veut pas respecter la parole populaire", ajoute-t-il.
Trois hommes ont été placés en garde à vue après les heurts survenus vendredi soir dans le centre de Rennes. Le parquet, qui a dénoncé des événements "graves", a saisi la direction territoriale de la police judiciaire de Rennes pour "dégradation par incendie" de ces deux bâtiments, "sous la qualification de dégradation par moyen dangereux et association de malfaiteurs". Le centre de Rennes a été régulièrement le théâtre de nombreuses violences entre forces de l'ordre et manifestants, accompagnées de dégradations de commerces ou de mobilier urbain, depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites. Le ministère de l'Intérieur avait annoncé vendredi soir l'envoi dans la capitale bretonne, dès samedi, de la CRS 8, basée à Bièves (Essonne) et spécialisée dans les violences urbaines.
Emmanuel Macron s'exprimera lundi soir dans une allocution, a annoncé l'Élysée
Emmanuel Macron fera une "allocution" télévisée lundi soir, a priori à 20 heures, a annoncé l'Élysée samedi, juste après la promulgation de la réforme des retraites, toujours très contestée. "Le Président s'adressera aux Français à l'occasion d'une allocution lundi soir", a indiqué l'Élysée, sans préciser d'horaire. Le chef de l'État entend relancer vite son deuxième quinquennat entravé par la crise sociale et politique.
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Emmanuel Macron s'exprimera "dans une logique d'apaisement", pour "faire le bilan" des trois mois de crise, et "regarder aussi ce qui a avancé à côté des retraites", a promis le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, citant la baisse du chômage et des impôts, l'augmentation du nombre d'apprentis, etc.
La promulgation de la loi est un nouveau signe de "mépris", jugent la CFDT et la CGT
La promulgation de la réforme des retraites, avec sa mesure phare de recul de l'âge de départ à 64 ans, est un nouveau signe de "mépris", ont tour à tour jugé samedi le numéro un de la CFDT Laurent Berger et son homologue de la CGT Sophie Binet.
La promulgation de la loi au Journal officiel dans la nuit de vendredi à samedi au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel "confirme le violent mépris du président de la République à la fois pour la population et puis en particulier pour les organisations syndicales", a déclaré la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet sur Franceinfo, tandis que Laurent Berger déclarait sur Twitter : "depuis le début, le mépris renvoyé aux travailleurs aura été constant. Mais leur dignité dans la rue est plus forte."
De nuit comme de jour, cette réforme est injuste! La sagesse démocratique exigeait de ne pas la promulguer et de renouer le dialogue. Depuis le début, le mépris renvoyé aux travailleurs aura été constant. Mais leur dignité dans la rue est plus forte. Rdv le #1erMai
— Laurent Berger (@CfdtBerger) April 15, 2023
Les syndicats de la SNCF proposent une journée de "la colère cheminote" jeudi
Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé samedi à une "journée d'expression de la colère cheminote" jeudi prochain, présentée comme une "étape de préparation" aux manifestations du 1er mai, peu après la promulgation express de la réforme des retraites. "La promulgation nocturne de la loi ne change rien du tout à notre combat. Nous ne passerons pas à autre chose tant que cette loi n'est pas abandonnée", affirment dans un communiqué la CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots, qui mènent une grève reconductible depuis le 7 mars.
Avant les défilés du 1er mai, les organisations syndicales "proposent, comme étape de préparation, de faire du 20 avril prochain une journée d'expression de la colère cheminote (...) y compris dans un cadre interprofessionnel", indiquent-elles. Cette date tombe la veille des vacances scolaires des régions parisienne et occitane et d'un week-end de chassé-croisé dans les autres zones qui sont déjà en congés.
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Dénonçant la "brutalité de la réforme" et le "bras d'honneur" du gouvernement malgré les nombreuses journées de mobilisation, l'intersyndicale estime que "la violence sociale, orchestrée par le gouvernement et le président des riches, nous engage à rester mobilisés". Les syndicats misent sur le traditionnel rendez-vous du 1er mai qu'ils souhaitent transformer en "journée de mobilisation exceptionnelle et populaire" contre le cœur de la réforme, la retraite à 64 ans.
Olivier Dussopt ne voit pas pourquoi il aurait fallu attendre pour promulguer la loi
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a affirmé samedi qu'il ne voyait pas "quelle différence cela faisait" d'attendre pour promulguer la loi sur la réforme des retraites malgré le tollé des syndicats furieux d'un "passage en force" si rapide. "Quelle différence cela faisait d'attendre trois jours, quatre jours ou cinq jours, alors que le texte est validé", a estimé Olivier Dussopt sur France Culture. "La loi est votée, validée et donc elle doit être publiée en l'état", a-t-il ajouté.
"La constitution dit que lorsque le Conseil constitutionnel a rendu son avis, le président de la République doit promulguer dans les quinze jours qui suivent", a-t-il souligné. "Nous avons fait le choix de promulguer dès après la décision, comme c'est le cas pour toutes les lois de finance de l'État ou de la Sécurité sociale. Elles sont toujours promulguées dans les 24 heures qui suivent l'avis du Conseil constitutionnel". Pour le ministre, "c'est une étape qui est franchie avec la décision du Conseil constitutionnel", et "il n'y a pas de crise démocratique ou politique".