Ce qu'il faut retenir de l'interview de François Bayrou sur Europe 1 et CNews
Dans un contexte de politique internationale inédit, François Bayrou était l’invité exceptionnel d’Europe 1 et Cnews ce vendredi matin. Guerre en Ukraine, réarmement européen, situation économique, relations avec l'Algérie... Ce qu'il faut retenir de l'interview du Premier ministre.
Le Premier ministre François Bayrou était l'invité exceptionnel de Sonia Mabrouk et de Laurence Ferrari ce matin. L'élection de Donald Trump a bousculé l'équilibre mondial, rebattant les cartes notamment en Ukraine. Face à ces grands enjeux, de nombreuses questions refont surface, notamment sur le rôle de la France sur la scène internationale et dans l'Union européenne.
Les principales informations à retenir :
- "Le monde dans lequel nous avons vécu depuis la guerre est passé dans un autre monde où règne la loi du plus fort", a estimé le Premier ministre, évoquant l'invasion russe en Ukraine et les dernières déclarations de Donald Trump
- Face à la menace russe et à la stratégie de retrait des États-Unis, la France "ne peut pas partager la dissuasion nucléaire", a affirmé le Premier ministre
- Pour assurer la défense de la France et de l'Europe, un emprunt national "est une possibilité" selon François Bayrou, précisant que rien n'est décidé pour le moment
- "S'occuper de la défense du pays est une priorité absolue mais cependant nous ne pouvons pas laisser de côté tous les autres problèmes (...) on ne peut pas laisser les finances publiques dans l'état de délabrement", a-t-il nuancé
- François Bayrou a rappelé les rapports "privilégiés" que la France connaît avec l'Algérie, malgré la crise diplomatique actuelle. "Il ne faut pas sous-estimer les blessures du passé, mais le gouvernement algérien a mené une politique agressive contre la langue française", a expliqué le Premier ministre
La Russie joue "la loi du plus fort"
"La Russie est membre du conseil de sécurité de l'ONU donc elle fait partie des garants de la loi des nations. Et voilà que ce pays fait ce que d'autres pays dans les années 1930 et les années 1940 ont fait sur leurs voisins. Et c'est une chose dont nous savions depuis le premier jour que ça changerait la manière dont les nations vont vivre ensemble", déclare François Bayrou, évoquant "l'épicentre d'un tremblement de terre" pour définir l'invasion russe en Ukraine.
"Désormais, c'est la loi du plus fort. Si vous avez les moyens, si vous avez l'armée, si vous avez l'aviation, si vous avez toutes les menaces que la guerre moderne a réuni alors vous pouvez conquérir le voisin", déplore le Premier ministre. "Si l'on ne voit pas que ceci est un déstabilisateur de toute la vie de la planète, on ne voit rien", a-t-il expliqué.
Donald Trump, toujours un allié de la France ?
Au-delà de l'invasion russe en Ukraine, l'élection de Donald Trump a complètement rebattu les cartes, au point de douter sur la continuité de l'alliance entre les États-Unis et la France. "Donald Trump fait le renversement des alliances", appuie François Bayrou au micro de Sonia Mabrouk.
Depuis son élection, Donald Trump a multiplié les déclarations de politique internationale, évoquant son souhait de prendre le contrôle du canal de Panama ou encore du Groenland, tout en voulant transformer Gaza en "Riviera". "Et il ne s'arrête pas là, il déclare à l'Europe une guerre commerciale. (...) Un allié qui vous déclare une guerre commerciale et un allié qui veut annexer des territoires qui appartiennent à des pays libres..." est-il encore un allié ? Sans parler d'ennemi, le Premier ministre évoque "une destruction de l'ordre international".
"On ne peut pas partager la dissuasion nucléaire"
Des positions politiques américaines qui appellent à un réveil de l'Europe. Face à Vladimir Poutine, qui consacre 40% du PIB de la Russie à son armée, "l'Europe doit se défendre elle-même", estime François Bayrou.
Cependant, la France "ne peut pas partager la dissuasion nucléaire", nuance-t-il. "Celui qui doit prendre la décision, s'agissant de l'arme nucléaire, c'est le président. Mais ça ne veut pas dire que les intérêts vitaux du pays ne sont ceux que de l'Hexagone."
Dans ce sens, Emmanuel Macron a envisagé de nouvelles coopérations au sein de l’UE autour de la dissuasion nucléaire française. Face aux incertitudes sur l’engagement américain et à la menace russe, il ouvre un dialogue stratégique pour renforcer la sécurité du continent. Mais comment le financer ? Un emprunt national "est une possibilité" selon François Bayrou, précisant que rien n'est décidé pour le moment.
Des accords "privilégiés" avec l'Algérie
François Bayrou a donné un délai de 4 à 6 semaines à Alger pour améliorer la délivrance de laissez-passer consulaires, tout en menaçant de suspendre les accords de 1968. Si la situation persiste, le Premier ministre pourrait durcir sa position, malgré la réticence d'Emmanuel Macron.
Nous avons des accords "privilégiés" avec l'Algérie, nuance cependant ce vendredi matin François Bayrou. "Il y a un respect mutuel, mais il commence par le respect des accords." Sans se lancer dans un bras de fer, le Premier ministre estime qu'il faut "chercher à préciser la portée des accords (de 1968) et ce que ces accords signifient".
"Il n'y a pas d'autre pays dans le monde qui ont avec la France des rapports aussi privilégiés. Il ne faut pas sous-estimer les blessures du passé, mais le gouvernement algérien a mené une politique agressive contre la langue française", rappelle-t-il.
Des finances publiques "dans un état de délabrement"
"S'occuper de la défense du pays est une priorité absolue mais cependant nous ne pouvons pas laisser de côté tous les autres problèmes (...) on ne peut pas laisser les finances publiques dans l'état de délabrement dans lesquelles elles sont (...) Le recours à l'impôt est au bout de sa logique", déclare François Bayrou.
Plusieurs options existent pour porter les dépenses militaires de 60 milliards d'euros aujourd'hui à 100 milliards d'euros en un temps record. Pour cela, la France va bénéficier de l'assouplissement des règles budgétaires : la hausse des dépenses militaires ne sera donc pas prise en compte dans le déficit public.
Mais pour le Premier ministre, il faudra tout de même une "réorganisation de notre action publique, de réorganisation en matière de santé, de réorganisation de la simplification", conclut-il.