"Je ne me tairai plus", avait-il promis il y a quelques semaines. Et pourtant. Se retranchant derrière l'instruction judiciaire en cours, Alexandre Benalla a longtemps prôné son droit au silence, lundi, face à une commission d'enquête sénatoriale qui s'interrogeait notamment sur l'utilisation abusive de ses passeports diplomatiques après son licenciement. Un dossier dans lequel le jeune homme de 27 ans a été mis en examen vendredi dernier.
Les informations à retenir :
- Dans son propos liminaire, Alexandre Benalla a reconnu "un certain nombre d'erreurs" mais a solennellement affirmé qu'il n'avait pas menti lors de sa première audition au Sénat, le 19 septembre 2018
- Il a néanmoins refusé de répondre à de nombreuses questions sur la délivrance et la restitution de ses passeports diplomatiques, suscitant l'agacement des sénateurs
- Dans la foulée, Vincent Crase, gendarme réserviste et ex-employé de LREM, devait également être entendu. Comme Alexandre Benalla, il avait déjà été mis en examen pour violences en réunion le 1er mai
"Je ne vous ai pas menti". Arrivé à 14 heures sous une nuée de photographes et de caméras, l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron a d'abord reconnu, dans son propos liminaire, avoir "commis un certain nombre d'erreurs" ces six derniers mois, autrement dit depuis son licenciement par l'Élysée, fin juillet 2018. "Je ne vous ai pas menti", a-t-il ensuite affirmé aux sénateurs, en référence à sa première audition devant cette même commission, le 19 septembre dernier. À cette occasion, il avait déclaré que ses passeports se trouvaient "à l'Élysée".
Alexandre Benalla a ainsi précisé qu'il avait restitué les passeports diplomatiques "à la demande de la présidence de la République et du ministère des Affaires étrangères (...) fin août 2018" en faisant "redéposer [ses] effets personnels à un salarié de la présidence de la République". Mais ses passeports lui auraient été "rendus à nouveau début octobre 2018", "sans mention ou courrier les accompagnant et expliquant qu’ils ne pouvaient plus être utilisés". Évoquant une "bêtise" - celle de les avoir utilisés à titre "privé" - l'ex-chargé de mission à l'Élysée a néanmoins refusé de répondre à de nombreuses questions sur les conditions d'obtention des passeports, faisant valoir son droit à la non auto-incrimination.
Pas de réponse sur ses passeports. "Vous êtes obligé de répondre !", a notamment réagi le président de la commission, Philippe Bas (LR) face à cette impassibilité. Et Alexandre Benalla de reprendre la parole : "Je ne pourrai pas répondre". Sa stratégie a été la même tout au long de l'audition, qu'il s'agisse d'aborder ses passeports diplomatiques, ses "passeports de service", ou même ses activités actuelles et ses déplacements en Afrique postérieurs à son licenciement. Souvent, Philippe Bas n'a pas caché son exaspération, comme cette fois où il lui a rappelé que "ce n'est pas être très respectueux des institutions que de refuser de répondre". "Je suis en droit de déduire de votre réponse que la question vous gêne", a-t-il encore tenté. Seule précision apportée par Alexandre Benalla : l'obtention de ces fameux passeports a été réalisée dans "des conditions normales".
Devant le Sénat, mercredi dernier, le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, puis le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avaient confirmé qu'Alexandre Benalla avait utilisé indûment ses passeports dès le mois d'août. À 23 reprises entre le 1er août et le 31 décembre, a d'ailleurs précisé Alexandre Benalla.
De même, alors que Patrick Strzoda avait affirmé la semaine dernière qu'Alexandre Benalla avait été en possession de deux passeports de service, soupçonnant que l'un d'eux ait été obtenu, le 28 juin 2018, via une "falsification", l'ancien chargé de la sécurité du candidat Macron a opposé le silence. "Je ne détiens aucun secret. Aucun secret sur qui que ce soit. Je ne fais aucun chantage", a-t-il néanmoins affirmé.
Port d'armes et téléphone sécurisé. Alexandre Benalla a par ailleurs assuré aux sénateurs que toutes ses armes étaient entre les mains de la justice. Quant au téléphone sécurisé Teorem, qu'il n'avait pas rendu, Alexandre Benalla a affirmé qu'il ne l'avait pas utilisé depuis son licenciement, celui-ci étant resté dans un carton. "Cela ne m’a jamais été réclamé le 4 octobre", a-t-il encore détaillé, contrairement à ce qu'affirme l'Élysée. Selon lui, "ils l’ont découvert quand mon avocate les a appelés".
Vincent Crase également entendu. La commission d'enquête du Sénat, dont le mandat prend fin jeudi, devait ensuite interroger son acolyte Vincent Crase, un ex-employé du parti présidentiel La République en marche et chef d'escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Comme Alexandre Benalla, il avait été mis en examen pour violences en réunion le 1er mai.