À contexte difficile, grosse opération de communication. Après une interview au 13 Heures de Jean-Pierre Pernaut sur TF1 jeudi, Emmanuel Macron s'est soumis dimanche soir aux tirs croisés de Mediapart et BFMTV. Les journalistes Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin ont mené tambour battant près de trois heures d'entretien, abordant des sujets aussi divers que la Syrie, la SNCF, la politique fiscale, NDDL ou encore... la victoire du PSG.
Les principales informations à retenir :
- Emmanuel Macron a répondu aux questions de Mediapart et BFMTV pendant près de trois heures, dimanche soir.
- Le président a défendu les frappes "réussies" en Syrie
- Il a promis qu'aucun nouvel impôt ne verrait le jour, ni local ni national
- Le chef de l'État a aussi annoncé une reprise de la dette de la SNCF par l'État à partir du 1er janvier 2020
Une opération "parfaitement conduite" en Syrie
Interrogé sur les frappes américaines, françaises et britanniques sur trois sites de production d'armes chimiques en Syrie, dans la nuit de vendredi à samedi, le président assume une "opération parfaitement conduite, de manière remarquable, comme très peu d'armées au monde peuvent le faire". "Nous avons réussi l'opération puisque l'intégralité des missiles ont atteint leurs objectifs et que les capacités de production des armes chimiques ont été détruites", argue Emmanuel Macron. "Cette décision, la France l'a prise sur le principe dès dimanche dernier, 48 heures après les premières identifications d'utilisation d'armes chimiques dans la Ghouta. Elle est conforme aux engagements pris. Nous avons en effet obtenu des preuves que des armes chimiques avaient été utilisées et nous avons ensuite obtenu la preuve que l'utilisation du chlore pouvait être attribuée au régime syrien."
" Nous avons la pleine légitimité internationale pour intervenir "
Par ailleurs, le chef de l'État se défend de toutes frappes illégales au niveau international. "C'est intervenir de manière légitime dans le cadre de la communauté internationale", assène-t-il. Pour preuve, Emmanuel Macron se base sur une résolution de l'ONU rappelant l'interdiction d'usage d'armes chimiques. "Il y a ensuite eu un blocage constant des Russes pour qu'elle ne soit pas appliquée. Ils sont complices. Nous avons la pleine légitimité internationale pour intervenir", estime le président. Celui-ci rappelle également que la France n'a pas déclaré la guerre au régime de Bachar al-Assad mais qu'il s'agit de "représailles" et que "la France agit en tant que membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU".
Parmi les critiques formulées par les opposants aux frappes en Syrie, nombreux sont ceux qui estiment que la France n'a été qu'un pion utilisé par Donald Trump pour reprendre la main au Proche-Orient. Emmanuel Macron y répond en précisant que c'est lui qui a "convaincu" le président américain d'agir. Et que cette attitude proactive de Paris permet d'acquérir "de la crédibilité à l'égard des Russes", alliés de Bachar al-Assad.
Reste également la question du débat démocratique autour de frappes telles que celles-ci. En effet, la Constitution oblige le président à prévenir le Parlement, mais celui-ci se contente de débattre sans voter. Pas suffisamment démocratique ? "On ne va pas changer de Constitution parce qu'elle ne vous plaît pas", balaie Emmanuel Macron à l'adresse d'Edwy Plenel.
Fermeté sur Notre-Dame-des-Landes
Emmanuel Macron ne croit pas à la coagulation des luttes. "Le mécontentement des cheminots a peu à voir avec le mal être à l'hôpital qui dure depuis des années", explique-t-il. Par ailleurs, il distingue les colères "légitimes", "qui correspondent à des réformes en cours" comme celle de la SNCF, et d'autres "qui ne le sont pas", en prenant comme exemple les zadistes de Notre-Dame-des-Landes.
J'entends toutes les colères. Certaines sont légitimes, d'autres non. #MediapartLive#MacronBFMTVpic.twitter.com/5FfMshOws9
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 15 avril 2018
Alors que, toute la semaine, les forces de l'ordre ont évacué les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, Emmanuel Macron les défend. "Nous avons, à l'issue de la période hivernale, rétabli l'ordre républicain", argue-t-il, en pointant le fait qu'il y a d'un côté des agriculteurs avec un projet qui ont été autorisés à rester et de l'autre, "aucun projet réel et uniquement des occupations illégales d'espaces publics". Par ailleurs, le président rappelle qu'à l'issue du nouveau délai de régularisation, fixé au 23 avril, "tout ce qui devrai être évacué le sera".
Interrogé par Edwy Plenel sur le fait que les soumissions de projet ne peuvent se faire qu'à titre individuel, Emmanuel Macron nie. Selon lui, alors que certains zadistes sont sur place depuis 10 ans, ils n'ont jamais tenté de déposer un projet collectif sous une forme déjà existante, comme une Scop.
Des étudiants bloqueurs "minoritaires"
Emmanuel Macron dit "entendre les débats qu'ont les étudiants". Mais "ce que je constate c'est que dans toutes les universités où il y a des amphis paralysés, les étudiants sont souvent minoritaires. Ce sont des professionnels du désordre. On a des groupes, la plupart du temps violent, qui mènent un projet politique qui n'a rien à voir."
La dette de la SNCF reprise par l'État
Alors qu'Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin abordent le sujet de la SNCF, Emmanuel Macron donne une précision sur la reprise de la dette de l'entreprise public. "Oui, à partir du 1er janvier 2020, l'État reprendra la dette", assure le président. Qui précise par ailleurs qu'il "ne veut pas privatiser" le ferroviaire. "Je pense que cela n'a aucun sens."
Défense des politiques fiscales et économiques
Emmanuel Macron, qui a déjà amorcé la baisse de la taxe d'habitation, promet une refonte de la fiscalité locale. Mais il n'y aura "pas de nouvel impôt", ni local ni national, promet-il.
"La théorie du ruissellement, je n'y crois pas", tranche le président lorsqu'il est interrogé sur la justice de ses politiques fiscales. C'est pourtant ce que semblait indiquer l'usage répété d'une métaphore qu'il affectionne, celle du premier de cordée. "Vous ne m'avez pas écouté", répond le chef de l'État à Jean-Jacques Bourdin qui le lui fait remarquer. Selon lui, "la France doit être un pays attractif où on garde les meilleurs", ce qui explique notamment la refonte de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI). "J'assume totalement les gestes fiscaux qui ont été faits."
Je ne crois pas à la théorie du ruissellement. #MediapartLive#MacronBFMTVpic.twitter.com/VYRyFi0Xu0
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Le chef de l'État "assume" également de se concentrer sur la revalorisation des revenus du travail, tandis que, dans le même temps, un effort est demandé aux retraités via une hausse de CSG. "Il y a des gens aujourd'hui qui travaillent dur et ne gagnent pas suffisamment. J'assume ce choix qui est fait, c'est un choix de solidarité intergénérationnelle. Le travail, pour moi, est la clef du redressement du pays."
L'entretien devient de plus en plus heurté alors qu'on aborde la question de la fraude fiscale. Emmanuel Macron, lui, préfère parler "d'optimisation fiscale" au sein de l'Union européenne et se borne à reconnaître que "nous devons réussir à avoir une convergence fiscale" des États membres. En revanche, il louvoie sur la question du "verrou de Bercy", ce principe qui veut que seul Bercy dispose du droit de déposer plainte contre un individu soupçonné de malversations fiscales, un procureur ou une partie civile ne le pouvant pas. Le président préfère rappeler que "notre administration fiscale contrôle en permanence quand des articles de presse dénoncent" des fraudes et que la France est le pays où elle "va recouvrir l'argent le plus rapidement et le plus efficacement".
Le système de retraite par répartition conservé
Alors que l'exécutif planche d'ores et déjà sur sa réforme des retraites, Emmanuel Macron garantit qu'il conservera le système de retraite par répartition. C'est celui "auquel je crois et que je veux consolider", martèle-t-il. "Ce que nous allons revisiter, c'est l'injustice du système de retraite que nous connaissons" pour avoir "un système beaucoup plus transparent et équitable". L'objectif principal reste de faire "converger tous les régimes spéciaux".
Le financement de la dépendance
Interrogé sur le système des EHPAD, Emmanuel Macron reste général. "On a un vrai problème", en partie lié au vieillissement de la population, admet le président. "Il va falloir construire un financement pérenne. Il nous faut investir pour médicaliser, on n'a pas le choix." En revanche, le chef de l'État ne confirme pas que ce financement passe par la suppression d'un jour férié. "Je ne vais pas purger ce débat aujourd'hui, c'est une piste", lâche-t-il.
" Je ne crois pas à la toute puissance, je crois à nos institutions et à l'autorité "
Des échanges heurtés sur la pratique du pouvoir
Les questions d'Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin sont incisives. "Est-ce que vous n’êtes pas dans une illusion puérile de toute puissance ?", demande le premier, tandis que le second estime que le chef de l'État est "le produit d'une circonstance" exceptionnelle qui l'a amené à l'Élysée. "Je ne crois pas à la toute puissance, je crois à nos institutions et à l'autorité. L'autorité a un fondement, il est démocratique, c'est l'élection", répond Emmanuel Macron. "Je pense qu'il y a quelque chose entre l'oligarchie, qui n'a aucun contrôle, et la faiblesse de l'indécision."
Par ailleurs, Emmanuel Macron rappelle qu'il n'y a "pas eu d'ambiguïté aux législatives" et que les Français lui ont donné une large majorité. En revanche, reconnaît-il, "il y a une colère dans le pays". "Cette colère, on ne peut la lever que si on arrive à unifier le pays. Je ne crois pas aux miracles. Si mon élection a une explication conjoncturelle, c'est la colère des Français."
Parlant d'islam et de laïcité, Macron défend "l'union"
"Parlons de l'islam", lance Jean-Jacques Bourdin d'un ton grave. Sur le sujet, Emmanuel Macron explique sa "conviction profonde" : "si nous voulons rester unis, nous devons accepter ces convictions". Concernant la radicalisation, le président reprend des arguments sociologiques qu'il affectionne. "Nous avons échoué dans le travail de la République dans ces quartiers. Cela n'est pas une excuse mais nous devons aussi rétablir l'école, les services publics, l'égalité républicaine dans ces quartiers."
Interrogé plus spécifiquement sur le cas des mères d'élèves qui accompagnent les enfants en sortie scolaire et portent le voile, ce que le ministre de l'Éducation national, Jean-Michel Blanquer, voudrait interdire, le chef de l'État livre une réponse peu claire. "Si elles sont en responsabilité pour l'école, elles n'ont pas à porter le foulard. Si elles sont dans un cadre à côté, elles sont citoyennes et la société leur permet d'avoir le voile."
Défense du projet de loi asile et immigration
Très critiqué, le projet de loi asile et immigration trouve un avocat en la personne du président. Emmanuel Macron défend plusieurs points, notamment celui du délit de solidarité qu'il voudrait voir "adapté, pas supprimé". "Parfois, avec des bons sentiments, on couvre des crimes. Dans le délit de solidarité, y'a aussi des gens qui aident des passeurs. Ceux-là, je ne veux pas les affranchir du délit de solidarité. Mais il est vrai que de femmes et des hommes sauvent des vies."
" Je crois à une démocratie où les parlementaires ne sont ni des godillots, ni des frondeurs "
Alors que les journalistes soulèvent que certains députés LREM ont indiqué qu'ils ne voteront pas le texte, Emmanuel Macron nie tout problème. "Je crois à une démocratie où les parlementaires ne sont ni des godillots, ni des frondeurs."
Auto-promo sur le sujet des égalités hommes-femmes
Interrogé sur le mouvement #metoo, Emmanuel Macron a défendu ses convictions sur le sujet de l'égalité hommes femmes. "J'ai constamment porté l'égalité entre les hommes et les femmes, je n'ai pas attendu #metoo. Je suis profondément attaché à ce sujet qui est pour moi au cœur de l'égalité républicaine", a-t-il expliqué. "Nous avons fait élire autant de femmes que d'hommes. J'en ai fait la grande cause du quinquennat. Cette bataille a quelque chose d'emblématique, au cœur de ce que je défends : l'égalité réelle par l'émancipation."
Félicitations au PSG
En direct depuis le Palais de Chaillot, Emmanuel Macron n'a pu suivre le match opposant le PSG à Monaco. Le club parisien a étrillé son adversaire 7-1, remportant de fait le titre de champion de France. Alors que le président est un fervent supporter de l'OM, il a consenti, visiblement au prix d'un grand effort, à "féliciter le PSG pour sa victoire".