Quelle sera l'ampleur de la mobilisation ? Ce jeudi aura lieu la première journée d'action contre la réforme des retraites après un appel de l'intersyndicale. Parmi les points les plus contestés de cette réforme, le passage de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans en 2030, l'allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027 ou encore la fermeture progressive des régimes spéciaux de retraite, dont bénéficient notamment la RATP, la SNCF, EDF, la Banque de France ou encore l'Opéra de Paris, pour les nouveaux embauchés à partir de septembre 2023. Un jeudi noir est déjà à prévoir dans les transports en commun, alors que d'autres secteurs, comme les raffineries ou encore la fonction publique, ont confirmé leur mobilisation.
Mais depuis l'adoption en 1982 sous François Mitterrand de la retraite à 60 ans, avec 37 ans et demi de cotisation, plusieurs réformes des retraites ont allongé l'âge légal de départ. Mais qui dit réforme, dit également mobilisations et grèves. Si l'on se souvient surtout de celles de 1995, les Français sont régulièrement descendus dans les rues pour défendre leurs retraites. Europe 1 vous replonge en images dans 30 ans de mobilisations liées à la réforme des retraites.
1993 : la réforme Balladur et l'augmentation de durée de cotisation
En 1993, le Premier ministre Édouard Balladur s'attaque aux retraites et lance l'une des plus importantes réformes. À ce moment-là, la Caisse nationale d'assurance vieillesse est en crise, avec 40 milliards de francs de déficit. Parmi les mesures phares : l'augmentation de la durée de cotisation, qui passe de 37,5 à 40 ans, le calcul de la pension de retraite sur les 25 meilleures années ou encore l'indexation des pensions sur l'inflation.
Malgré une réforme assez dure, la contestation est très faible, probablement pour deux raisons : la réforme est mise en place au cœur de l'été 1993, et elle épargne les salariés de la fonction publique.
1995 : la France dans la rue face au plan Juppé
En 1995, le Premier ministre Alain Juppé annonce un plan sur les retraites et la sécurité sociale. Parmi les mesures, le gouvernement souhaite généraliser la réforme Balladur aux fonctionnaires et aux entreprises publiques. Immédiatement, l'annonce provoque une très forte opposition dans l'opinion publique. La contestation arrive rapidement et dure trois semaines, du 24 novembre au 15 décembre 1995 dans la fonction publique et le secteur privé. Le secteur des transports est particulièrement touché, mais la grève est également suivie à la Poste, à France Télécom... En tout, plus de 5 millions de Français sont dans les rues, lors de six grandes manifestations. Le 12 décembre notamment, 2 millions de personnes manifestent contre la réforme, selon les chiffres des organisations syndicales.
Face à cette mobilisation et par crainte que le pays ne continue d'être bloqué, le gouvernement cède et accepte de ne pas allonger la durée de cotisation de la SNCF et de la RATP. La grève se termine le 15 décembre, lorsque l'exécutif annonce retirer sa réforme des retraites.
2003 : plus d'un million de Français manifestent contre la réforme Fillon
En 2003, le ministre des Affaires sociales François Fillon annonce une réforme pour compléter celle d'Édouard Balladur. Le gouvernement de Jacques Chirac souhaite notamment allonger la durée des cotisations pour le privé et la fonction publique (41 ans pour tous les Français à partir de 2009), et inciter les Français à rester dans l’emploi après 60 ans. Mais le 13 mai 2003, les manifestations rassemblent 2 millions de personnes dans les rues, selon les syndicats, ou 1,1 million selon la police. Malgré la contestation, la réforme est adoptée après quelques concessions du gouvernement.
2007 : dix jours de grève contre la réforme Sarkozy sur les régimes spéciaux
En 2007, une nouvelle réforme des retraites est menée par François Fillon, cette fois-ci en tant que Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Elle concerne les régimes spéciaux des sociétés de service public (comme EDF, GDF, la RATP, la Banque de France…) et les professionnels à statut particulier (clercs de notaire, élus et employés parlementaires). Pour ces secteurs, le gouvernement souhaite passer la durée de cotisation à 40 ans, puis à 41 ans dix ans plus tard, en 2017. L'exécutif veut également mettre en place un mécanisme de décote/surcote ou encore indexer les pensions sur l'évolution des prix.
Un appel à la grève est lancé, notamment dans les transports en commun. Au bout de 10 jours, la mobilisation prend fin le 24 novembre 2007. Il s'agissait de la plus longue grève dans les transports depuis 1995.
2010 : 14 manifestations contre la réforme Woerth
En 2010, le ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique Éric Woerth présente une nouvelle réforme des retraites. Parmi les mesures, le relèvement progressif de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans pour tous les Français, le passage de l'annulation de la décote de 65 à 67 ans et l'augmentation de la durée de cotisation requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein à 41,5 ans.
Très impopulaire, la réforme provoque une forte mobilisation, avec des grèves à la SNCF, dans les raffineries, du côté des transporteurs routiers ou encore des éboueurs... Les lycéens se joignent également au mouvement. À cela s'ajoutent quatorze manifestations majeures entre septembre et novembre 2010. Celle du 19 octobre réunit même 3,5 millions de manifestants selon les syndicats (825.000 selon le ministère de l'Intérieur). Malgré la contestation, la loi est promulguée le 10 novembre 2010.
2014 : 370.000 manifestants contre la réforme Touraine
En 2014, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, annonce que le gouvernement souhaite allonger la durée de cotisation à 43 ans pour la retraite à taux plein. La durée doit être relevée d'un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 pour les générations nées à partir de 1973. Si la réforme est soutenue par la CFDT, des manifestations éclatent. 370.000 manifestants descendent dans les rues selon les syndicats (155.000 selon la police). La loi est tout de même promulguée.
2019 : la première réforme Macron ne convainc pas
En 2019, le Premier ministre Edouard Philippe dévoile le projet de réforme du gouvernement d'Emmanuel Macron. Une réforme promise par le président durant sa campagne de 2017. D'abord plutôt accepté, c'est un aspect de la réforme qui va mener à la contestation : celui de l'âge pivot, à 64 ans, et en dessous duquel la pension de retraite doit faire l'objet d'une décote. Une manière pour le gouvernement d'inciter les Français à partir à la retraite à 64 ans.
Dans un contexte post Gilets jaunes, plus d'1,5 million de Français descendent dans les rues le 5 décembre 2019 (800.000 selon le ministère de l'Intérieur). Très important dans les transports, le mouvement de grève se propage dans de nombreux secteurs.
En février 2020, le gouvernement active le 49.3 pour passer cette réforme des retraites. Mais le début de la pandémie de coronavirus et l'annonce du confinement le 16 mars 2020 contraint le président Emmanuel Macron à suspendre toutes les réformes en cours, y compris celle des retraites.
Trois ans après, la mobilisation de jeudi - et celles qui pourraient suivre - s'inscrira peut-être aussi dans la lignée des grands mouvements sociaux contre les différentes réformes des retraites.