Pendant plusieurs années, ils ont affiché une entente sans faille, une idylle sans nuages. Mais désormais, le couple Marine Le Pen-Florian Philippot bat de l’aile. Et c’est même publiquement que la vice-présidente du FN et son vice-président affichent leur désamour. La première, mise en difficulté par son débat manqué de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, écarte peu à peu son futur ex-fidèle second, qui se rebiffe. D’où des échanges salés, en coulisses et dans les médias.
Marine Le Pen de plus en plus menaçante
Le début de la fin trouve son origine le 15 mai 2017. Moins de dix jours après le second tour de l’élection présidentielle, Florian Philippot fonde son association, Les Patriotes, dont il prend tout naturellement la présidence. Un think-tank dont Marine Le Pen goûte peu la création. Fin mai, elle juge étonnant le calendrier choisi par son lieutenant, et dit craindre des incompréhensions. Surtout, elle juge "ringard" le nom choisi par le vice-président du FN. Jusqu’ici rien de grave. Jusqu’à la rentrée politique de septembre.
Une première demande de clarification. Une première fois, en bureau exécutif, le 4 septembre, Marine Le Pen enjoint à Florian Philippot de quitter la présidence des Patriotes. Le vice-président du FN élude, affirme n’avoir rien entendu, et reste à sa place, tout en réaffirmant que les relations avec sa présidente n’ont pas évolué. Mais quelques semaines plus tard, Marine Le Pen hausse le ton. Publiquement cette fois. Dans Le Parisien, vendredi dernier elle demande à Florian Philippot de "clarifier" sa position.
"Je prendrai mes responsabilités". Là encore, Florian Philippot fait la sourde oreille. Alors la présidente du FN en remet une couche. Lundi, à l’occasion d’un bureau politique élargi, elle demande à son numéro deux de choisir entre la présidence de Patriotes et la vice-présidence du FN. Et pour être sûre que le message est entendu, elle confirme l’information mardi sur France Inter. Si Florian Philippot persiste, "je prendrai, comme présidente du Front national, mes responsabilités", a-t-elle lâché. La menace d’une exclusion est cette fois à peine voilée.
Philippot de plus en plus inflexible
Jamais, on l’a vu, Florian Philippot n’a envisagé de quitter la présidence des Patriotes. Mais jamais non plus il n’avait rétorqué avec un ton si bravache. "Je lui ai répondu [à Marine Le Pen] ainsi qu'au bureau politique que je ne comprenais pas du tout cette demande et que je ne pouvais donc pas y répondre", a-t-il expliqué mardi sur BFMTV.
"Arrête de manger du couscous". "Imaginons que j'accepte. Mais qu'est-ce qu'on me dira dans deux semaines ? 'Écoute, range ton De Gaulle' puisque vous savez que tous les 9 novembre, je vais sur la tombe du général De Gaulle, je suis gaulliste. Et puis après ? 'Allez, arrête de manger du couscous'", poursuit-il dans une référence au désormais célèbre "Couscousgate". Il ne s’arrête pas là. "Et puis on me dira quoi ? : 'Allez, parle un peu moins de la loi travail, arrête tes manifestations, arrête de rejoindre les forains pour soutenir la manifestation'. Et ce sera sans fin."
"Je ne vise pas forcément Louis Aliot, mais…" Mais ce n’est pas tout. Florian Philippot s’en prend également à Louis Aliot, autre vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen. "Je note que d'autres vice-présidents comme Louis Aliot sont également président d'association, Idées nation, qui sont des think tanks, qui ont déjà organisé des colloques et qu'on ne leur a jamais rien demandé", attaque-t-il. "Donc, je ne comprends pas cette demande et je pense qu'on ne fera pas la refondation avec un pistolet sur la tempe", lâche-t-il. Louis Aliot a récemment critiqué son omniprésence dans les médias ? "Je ne vise pas forcément Louis, mais là-aussi, la télévision rend fous ceux qui n'y vont pas, ou ceux qui ne sont pas invités", cingle-t-il.
Une défense en forme de fuite en avant qui interpelle. Car Florian Philippot voudrait provoquer son exclusion qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Ce serait sans doute un grand soulagement pour nombre de cadres FN qui réclament sa tête depuis des semaines. Et peut-être aussi pour Marine Le Pen, qui pourrait alors blâmer quelqu’un d’autre qu’elle-même pour les défaites électorales du printemps 2017.