Les prises de positions se multiplient, mais ne se ressemblent pas toujours. Le barrage unanime de 2002 face à l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle semble avoir vécu ; quinze ans plus tard, la classe politique se divise sur la posture à adopter face à Marine le Pen. Si la grande majorité des responsables, de droite et de gauche, appellent explicitement à voter Emmanuel Macron pour empêcher la candidate FN d’entrer à l’Elysée, d’autres se montrent moins clairs.
Blâmé pour ne pas avoir tranché dès le soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon a ainsi fait savoir mercredi qu’il ne révélerait pas le contenu du bulletin qu’il glissera dans l’urne le 7 mai. Qu’importe le résultat de la consultation organisée auprès de ses militants. Dans la foulée, c’est Nicolas Sarkozy qui s’est exprimé, indiquant sur Twitter qu’il "voterai[t] au second tour de l’élection présidentielle pour Emmanuel Macron".
Europe 1 vous passe en revue la position des uns et des autres :
Ceux qui appellent à voter Emmanuel Macron contre Marine Le Pen
Une prise de position ferme, assumée notamment par le candidat de la droite François Fillon, dès le soir de sa défaite, et qui consiste à désolidariser Marine Le Pen du reste de la classe politique, en estimant qu’elle n’est pas seulement un adversaire politique mais aussi une ennemie de la République. "Le FN a une histoire qui est connue pour sa violence et pour son intolérance. Je vous l’assure, l’extrémisme ne peut qu’apporter malheur et division à la France. Dès lors, il n'y a pas d’autre choix que de voter contre l’extrême droite, je voterai donc en faveur d’Emmanuel Macron", a lancé le Sarthois.
Un appel clair à déposer dans l’urne un bulletin pour Emmanuel Macron, relayé notamment par des chiraquiens comme Jean-Pierre Raffarin, François Baroin et Christian Estrosi, mais aussi les juppéistes, à commencer par le premier d’entre-eux. "Le Front national nous conduirait à un véritable désastre, c’est ce qu’il faut à tout prix éviter, et c’est la raison pour laquelle je voterai évidemment pour Macron", a déclaré à BFM TV le maire de Bordeaux. Un avis partagé par nombre de ses ancien soutiens comme Valérie Pécresse, Benoist Apparu ou encore Fabienne Keller. C’est également en faveur d’Emmanuel Macron que se prononcent l’ancien président Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé, Xavier Bertrand mais aussi des figures plus modérées et de l’aile gauche du parti comme Bruno Le Maire, Thierry Solère ou Nathalie Kosciusko-Morizet.
Le vote pour Emmanuel Macron est la seule option qui vaille pour l’ensemble des socialistes, depuis l’aile gauche – Benoît Hamon a appelé à voter en faveur du candidat d’En Marche! dès l’annonce des résultats –, jusqu’au président de la République. "Il n'est pas possible de se taire. Ce qui est en cause, c'est l'unité de notre nation", a déclaré François Hollande dans une allocution lundi. Le même jour, dans une tribune du Monde, 160 élus hollandais parmi lesquels des membres du gouvernement comme Michel Sapin, Marisol Touraine ou Myriam El-Khomri ont assuré qu’il était de "[leur] devoir" d’éviter une victoire de Marine Le Pen, "en votant pour Emmanuel Macron".
Ceux qui appellent à voter contre Marine Le Pen… mais sans vous dire comment
Une consigne de vote "à la fois ferme et souple", a estimé sur Europe 1 Brice Hortefeux, l’ancien ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy. Il faisait référence au communiqué publié la veille par LR, après la réunion de son Bureau politique, et appelant à "voter contre Marine Le Pen pour la faire battre au second tour de l‘élection", mais sans jamais mentionner Emmanuel Macron. Ainsi, si le parti s’oppose officiellement à la candidate frontiste, il refuse tacitement d’accorder une légitimité à l’ancien ministre de l’Economie, et laisse à ses électeurs la liberté de trancher entre un bulletin pour ce dernier ou un vote blanc. Dimanche soir, sur le plateau de France 2, Laurent Wauquiez se rangeait déjà à cette position, demandant simplement "à ceux qui ont confiance de ne pas voter Marine Le Pen". Une ambiguïté qui sème le trouble au sein des Républicains. "Il ne faut pas finasser. Quand on veut battre quelqu’un, il n’y a pas trente-six solutions, il faut voter pour son adversaire", a martelé Alain Juppé mardi soir. Christian Estrosi est même allé jusqu’à réclamer, dans les colonnes du Monde, l’exclusion de tous ceux "qui ne feront pas le choix très clair de faire voter pour ne pas faire barrage à Marine Le Pen".
Les partisans du "ni-ni"
À droite, Henri Guaino et Eric Ciotti refusent de se positionner entre la fille de Jean-Marie Le Pen et l’ex-protégé de François Hollande. C’est également le cas du président du Parti chrétien démocrate (PCD), Frédéric Poisson, qui dénonce "l’alternative entre la France bloquée de Marine Le Pen et la France dérégulée d’Emmanuel Macron". Sens commun, le mouvement issu de l’opposition au Mariage pour tous et qui avait très largement soutenu François Fillon, n’a pas non plus voulu donner de consigne de vote. Cette partie de la droite décline ainsi le "ni-ni" prôné par Nicolas Sarkozy lors des cantonales de 2011, qui refusait de trancher en cas de duel PS/FN au second tour. Une ligne qu’avait à nouveau défendue Jean-François Copé lors de sa présidence de l’UMP. "J’ai toujours dit que le ni-ni ne concernait que les élections locales. S’agissant de la présidentielle, il ne peut y avoir aucune ambiguïté", a cependant précisé à Libération le député-maire de Meaux.
À l’extrême-gauche, nombreuses aussi sont les voix qui refusent de choisir entre la candidate frontiste et le leader d’En Marche! Philippe Poutou, le candidat du NPA, a fait le choix de la rue "contre l’extrême droite, mais aussi contre toutes celles et ceux qui, comme Macron, ont mis en place ou veulent imposer des mesures antisociales", a-t-il dit le soir du premier tour. Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte ouvrière, s’en remet au vote blanc dans un tweet : "Pour ma part je voterai blanc en rejetant le FN mais sans croire que Macron est un barrage. Je crois dans l'expression des luttes".
Ceux qui appellent à voter pour Marine Le Pen
Présidente d’honneur du Parti chrétien démocrate, Christine Boutin ne décolère pas face au résultat du premier tour, et surtout face à la position aussitôt adoptée par le candidat de la droite et de nombreux élus LR. "J'ai honte de l'appel de François Fillon à voter Emmanuel Macron. Je sens nos valeurs trahies", a-t-elle tweeté dimanche, avant de confier mardi au Figaro : "Contre Macron, je voterai Le Pen". "Un vote révolutionnaire", fait-elle valoir auprès du quotidien : "Je veux faire comprendre aux Français de droite que voter Le Pen, ce n'est pas adhérer au Front national. C'est simplement un vote contre Emmanuel Macron".
Ceux qui n’ont pas encore choisi
Avec ses 4,70%, Nicolas Dupont-Aignan n’a pas pu franchir la barre symbolique des 5%, mais a peut-être réussi à grappiller des voix précieuses à François Fillon, constituant du même coup un potentiel réservoir de voix pour le FN. Le leader de Debout la France a dit qu’il se prononcerait entre les deux finalistes en début de semaine. Mercredi, son choix se faisait toujours attendre.
…et ceux qui ne disent rien
Le silence de Jean-Luc Mélenchon a soulevé de vives critiques à gauche. Dimanche, le candidat de la France insoumise a refusé de donner une consigne de vote, indiquant qu’il s’en remettait à ses militants, invités à donner leur avis en ligne. Petite précision : la plateforme mise en place leur permet seulement d’opter entre l’abstention, le vote blanc et le vote pour Emmanuel Macron. Pas d’option pour Marine Le Pen donc. Mercredi, à l’occasion d’un point presse, Alexis Corbière, le porte-parole de l’eurodéputé, a précisé que ce dernier ne donnerait aucune indication sur son propre vote, estimant qu’il fallait "faire la différence entre un choix intime et un choix politique".