L'ancien chef de l'État Nicolas Sarkozy était entendu une nouvelle fois mardi à Paris par les juges d'instruction en charge de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, a appris l'AFP de source judiciaire, confirmant une information de Mediapart. L'ex-président de la République n'avait plus été entendu par les juges depuis qu'il avait décidé de garder le silence, le temps de l'examen de ses recours visant à faire annuler toute la procédure, en juin 2019.
Dans ce dossier, Nicolas Sarkozy a été mis en examen en mars 2018 pour "corruption passive", "recel de détournement de fonds publics" et "financement illégal de campagne". Il est également placé sous contrôle judiciaire. Les juges d'instruction anti-corruption du tribunal de Paris, Aude Buresi et Marc Sommerer, qui ont succédé à Serge Tournaire dans ce dossier, pourraient l'interroger sur des versements en liquide qui auraient été réalisés via l'un de ses anciens collaborateurs, Thierry Gaubert, mis en examen le 31 janvier pour "association de malfaiteurs". Les enquêteurs se demandent si un tel transfert a pu servir in fine à alimenter en cash le budget de la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy. Contacté, l'entourage de l'ancien président n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
Enquête ouverte en 2012
Cet interrogatoire intervient après un arrêt de la cour d'appel de Paris le 24 septembre qui a très largement validé l'enquête. Saisie par l'ex-chef de l'Etat et ses anciens ministres Claude Guéant, Eric Woerth et Brice Hortefeux, ainsi que l'homme d'affaires Alexandre Djouhri, qui soulevaient toute une série de nullités, la chambre de l'instruction a validé les investigations lancées il y a huit ans dans cette affaire aux multiples ramifications. Nicolas Sarkozy s'est pourvu en cassation le 28 septembre contre cet arrêt, tout comme Eric Woerth, Claude Guéant et Alexandre Djouhri, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.
L'enquête avait été ouverte après la publication par Mediapart en 2012, dans l'entre-deux tours de la présidentielle, d'un document censé prouver que la campagne victorieuse de Nicolas Sarkozy avait été financée par le régime de Mouammar Kadhafi. Témoignages de dignitaires libyens, notes des services secrets de Tripoli, accusations d'un intermédiaire... En sept ans de travail, les magistrats ont réuni une somme d'indices troublants qui ont donné corps à cette thèse.
En novembre 2016, l'homme d'affaires Ziad Takieddine (mis en examen dans cette affaire et en fuite depuis sa condamnation en juin dans le volet financier de l'affaire Karachi) avait affirmé avoir remis entre fin 2006 et début 2007 cinq millions d'euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant. Toutefois, aucune preuve matérielle n'a pour l'heure été retrouvée, même si des mouvements de fonds suspects ont conduit à neuf mises en examen à ce jour.