Le ton monte dans la majorité. Trois jours après la défaite de la liste de LREM dans les Hauts-de-France, les esprits ont chauffé mercredi matin en conseil des ministres entre Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti. Le ministre de l'Intérieur a allumé la mèche en saluant publiquement le bon résultat au premier tour de son ami et rival politique Xavier Bertrand… Des félicitations que son collègue Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux n’a pas du tout appréciées. "C’est une trahison !", a attaqué, selon deux participants présents, Éric Dupond-Moretti au cours du conseil des ministres ce mercredi matin. Réponse du tac au tac de Gérald Darmanin : "commence par gagner une élection !".
Première salve lundi soir
Des propos qui interviennent dans un contexte de gueule de bois pour la République en Marche… Un échec particulièrement cuisant dans les Hauts-de-France où la liste conduite par le secrétaire d’Etat Laurent Pietraszewski a été balayée dès le premier tour. Une défaite qui passe mal, d’autant qu’Emmanuel Macron avait demandé à cinq ministres de partir au combat. Il misait spécialement sur la présence d’Eric Dupond-Moretti pour faire décoller la liste, en vain.
Gérald Darmanin avait déjà taclé la liste de LREM lundi soir en conférence de presse, déclarant : "Je suis le seul ministre à avoir fait deux fois de suite aux municipales et aux départementales plus de 50% des voix au premier tour". Et d'ajouter avec une insolence qui n'est pas passé auprès de son collègue garde des Sceaux : "sur notre canton, on fait six fois mieux que la liste Pietraszewski".
Déjà une passe d'arme sur "l'ensauvagement"
Ce n’est pas la première fois qu’Eric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin croisent le fer. Le dernier conflit qui avait opposé le garde des Sceaux au ministre de l’Intérieur portait sur l’emploi du terme "ensauvagement". En septembre 2020, Gérald Darmanin n’avait pas hésité à parler d’un "ensauvagement de la société", face à l’augmentation croissante des violences. Et d’ajouter : "C'est un mot qui fait naître en moi des échos des années de permanence électorale où j'ai vu des gens victimes d'actes de sauvagerie".
Eric Dupont-Moretti lui avait alors répondu sur notre antenne : les faits d’ultra violence concernent "une partie de la société". "Je ne le [ce mot, NDLR] reprends pas. C’est une question de sensibilité. Chacun utilise les mots qu’il veut utiliser. Le ministre de l’Intérieur, c’est le ministre de l’Intérieur".
Darmanin-Dupont Moretti, deux visions du régalien
Au-delà des petites phrases, ces passes d’armes révèlent une vraie fracture idéologique entre Darmanin, issu de la droite, et Dupont-Moretti, venu de la gauche. Malgré la demande répétée d’Emmanuel Macron d’afficher un front uni entre le pôle "Sécurité" et le pôle "Justice", à travers des interviews et des photos communes, en réalité, les deux poids lourds du gouvernement ne sont pas d’accord sur les sujets régaliens.
Quand le ministre de l’Intérieur considère que la Justice n’est pas assez ferme, le ministre de la Justice rétorque que si les procédures réalisées par les policiers étaient mieux faites, la Justice avancerait plus vite. Quand Darmanin aimerait qu’il y ait plus de places de prison, le garde des Sceaux temporise. De la même manière, sur l’Immigration, ils affichent des sensibilités différentes.
Depuis l’arrivée place Vendôme d’Eric Dupond-Moretti et la nomination de Gérald Darmanin place Beauvau, illustration du "en-même-temps", Emmanuel Macron rappelle régulièrement à ses deux ministres la nécessité d’afficher leur bonne entente. Une bonne entente forcée, qui commence désormais à se voir.