Le mariage franco-allemand entre Alstom-Siemens, censé créer un leader européen du ferroviaire capable de tenir tête aux géants chinois du secteur, pourrait être rejeté par la Commission européenne. Et cela déplaît très fortement à Bruno Le Maire, qui a défendu cette fusion avec acharnement dans Le Grand Rendez-vous Europe 1/Cnews/Les Echos.
De l'impossibilité pour l'Europe de "créer des champions industriels". "Le droit de la concurrence européen est obsolète. Il a été créé au 20e siècle et fait face aujourd'hui à l'émergence de géants industriels du 21e siècle, et il ne permet pas à l'Europe de créer ses propres champions industriels", a d'abord fustigé le ministre de l'Economie français, très remonté. Alors que le français Alstom et l'allemand Siemens étaient, il y a encore quelques années, leaders sur l'industrie du rail, ils sont désormais largement distancés par CRRC, un géant chinois qui maîtrise parfaitement toutes nos technologies.
"Qu'est-ce qu'on attend pour se réveiller ?" Alstom et Siemens ont annoncé l'an dernier leur intention de fusionner, faisant de ce nouvel ensemble franco-allemand un géant européen du rail, pesant un peu plus de 15 milliards d'euros. Si cela reste deux fois moins que leur concurrent chinois, c'est au moins une manière de rester dans la course.
Car l'avantage est bel et bien dans le camp chinois, rappelle Bruno Le Maire. "La Chine a un marché de 29.000 kilomètres de lignes à grande vitesse ou très grande vitesse. L'Europe en a 9.000. CRRC fait 200 trains à grande vitesse ou très grande vitesse par an. Alstom et Siemens 35. Le chiffre d'affaires d'Alstom et de Siemens ensemble, c'est la moitié de celui de CRRC", égraine le ministre. Et d'ajouter : "CRRC a pris quasiment tous les appels d'offre aux Etats-Unis sur les trains et les transports publics de voyageurs dans les villes. Qu'est-ce qu'on attend pour se réveiller ?"
"Une erreur économique et une faute politique". La question rhétorique est directement adressée à la Commission européenne. Fin octobre, celle-ci avait dit craindre que cette "concentration" entre Alstom et Siemens "ne réduise la concurrence pour la fourniture de plusieurs types de trains et de systèmes de signalisation", et n'avait pas donné son feu vert à la fusion. Alstom et Siemens ont concédé une série de mesures compensatoires, et attendent désormais la réponse de Bruxelles d'ici le 19 février.
Bruno Le Maire, lui, attend cette décision de pied ferme. "Si jamais la Commission européenne devait rendre une décision défavorable à cette fusion, elle le ferait pour de mauvaises raisons. Elle le ferait en ayant exigé de Siemens et d'Alstom l'abandon de compétences et de technologies qui sont complètement déraisonnables. Ça ne sert à rien de demander une fusion si c'est pour qu'Alstom et Siemens se débarrassent de leurs savoir-faire les plus performants", dénonce-t-il.
"Ça ne serait pas simplement une erreur économique, ça serait une faute politique, parce que ça affaiblirait toute l'industrie européenne face à la Chine", juge le locataire de Bercy.
"Que cette fusion aille jusqu'au bout". Surtout, selon Bruno Le Maire, "ça enverrait le signal, face à une Chine conquérante, que l'Europe se divise et se désarme." Et de conclure : "Je souhaite que cette fusion aille jusqu'au bout, et je ne vois aucune raison acceptable que la Commission s'y oppose."