L’équation devient insoluble pour Emmanuel Macron. Et à l’Elysée, les cerveaux fument pour d’un côté éteindre enfin la grogne des "gilets jaunes", sans pour autant, de l’autre côté, renier l’ambition réformatrice du chef de l’Etat. Le temps est compté : le président s'exprimera lundi soir à 20h, dans une allocution télévisée. Et elle devra être suffisamment forte, marquante, pour que le prochain samedi ne soit pas, comme les trois précédents, marqué par des violences forcément embarrassantes pour le pouvoir en place, mais aussi pénalisantes pour l’économie à l’approche de Noël.
Une annulation de la hausse de la taxe carbone sans effet. L’Elysée a pu mesurer la dureté de la tâche après l’annonce mercredi par Edouard Philippe de la suspension, puis de l’annulation, de la hausse des prix de l’essence au 1er janvier prochain. Cette mesure était le point de départ du mouvement des "gilets jaunes". Un mois plus tard, l’éventail des revendications s’est très largement élargi, et l’annonce n’a absolument pas calmé les esprits. Il faut donc trouver autre chose.
Une prime Macron pour les bas salaires ? Et ce sont sans doute des mesures sociales que le président de la République devrait annoncer. Et qui, cette fois, devront marquer les esprits. Plusieurs mesures sont sur la table. L’une des plus évoquées est l’instauration d’une prime salariale défiscalisée. Les modalités de cette "prime Macron" restent à définir, tout comme son montant, mais elle ne devrait vraisemblablement pas avoir de caractère obligatoire, selon la volonté du patronat, et devrait être plafonnée afin d’éviter les effets d’aubaine.
Plusieurs mesures à l’étude. Parmi les autres pistes évoquées figurent un coup de pouce au SMIC au-delà des 1,8% prévus en 2019 - une mesure "évidente" pour Ségolène Royal - et au minimum vieillesse, ainsi qu'une prime mobilité pour ceux qui utilisent la voiture pour se rendre à leur travail. Selon Le Journal du Dimanche, la ministre du Travail Muriel Pénicaud est chargée, avec sa collègue des Transports Elisabeth Borne, de mener la concertation sur ce point précis avec les partenaires sociaux. L’objectif est de cibler "les sept Français sur dix qui se rendent au travail en voiture", selon l’expression de la ministre du Travail.
D’autres mesures encore sont évoquées : la désocialisation des heures supplémentaires pourrait être avancée au 1er janvier, au lieu du 1er septembre prochain. La défiscalisation des heures supplémentaires serait aussi sur la table. Selon le JDD, la suppression de la taxe d’habitation pourrait être accélérée et donc être effective avant les trois ans prévus. L'exécutif pourrait aussi relever la prime d'activité qui est versée chaque mois par les caisses d’allocations familiales aux familles les plus modestes. Elle a été relevée de 20 euros en octobre, et doit l’être de 30 euros en avril prochain, puis encore de 20 euros l’année suivante. Le gouvernement peut aller plus vite, sans alléger le coût du travail pour les employeurs.
Enfin, Emmanuel Macron pourrait annoncer une baisse de l’impôt sur les revenus, comme il l’avait évoqué lors du débat d’entre-deux-tours face à Marine Le Pen. Le rétablissement de l’ISF semble écarté, mais l’évaluation économique de sa suppression pourrait être accélérée.
Quid du rythme des réformes ? Voilà pour l’électrochoc. Mais se pose aussi la question du rythme des réformes. Revenir sur la volonté réformatrice du chef de l’Etat, ce serait renier la philosophie même du quinquennat, et acter un changement de cap dont tous les leaders de l’exécutif se défendent. Là encore, l’exercice s’annonce compliqué, car des chantiers d’importance se profilent. "L'agenda est caduc. Comment faire la révision constitutionnelle, la PMA, dans ces conditions? Il faut tout reconstruire dans l'ordre", avertit un pilier de la majorité auprès de l’AFP. "Je ne vois pas comment il pourra faire passer les réformes", s'inquiète un autre conseiller, alors qu'Emmanuel Macron veut lancer début 2019 des chantiers majeurs, comme la réforme des retraites et celle de la fonction publique.
Il faudra aussi composer avec Bruxelles. Car quelles que soient les mesures annoncées par Emmanuel Macron, elles auront un impact sur le déficit public. L’exécutif prévoyait 2,8% en 2019, il se pourrait bien que finalement, la barre fatidique des 3%, imposée par Bruxelles, soit franchie.
Mea culpa ? Il y aura, enfin, un coût politique certain. Difficile d’imaginer qu’Emmanuel Macron évite de faire une sorte de mea culpa devant les Français, comme il l’a fait samedi soir devant des élus locaux. Il recevra lundi des associations d'élus et des partenaires sociaux à l'Elysée pour tenter de gagner des relais auprès de la population. Pour les conséquences électorales, il faudra attendre mai 2019 et les européennes.