C'était une promesse d'Emmanuel Macron : le glyphosate sera interdit en France "au plus tard dans trois ans". Pourtant, dans la nuit de lundi à mardi, les députés LREM ont rejeté un amendement déposé par plusieurs dizaines de leurs collègues qui inscrivait le bannissement de cet herbicide jugé cancérogène par l'Organisation mondiale de la santé. Si la principale raison évoquée est que l'inscription dans la loi n'est pas nécessaire pour interdire, mais pourrait être trop contraignante pour certains agriculteurs qui n'ont pas de solutions de substitution, plusieurs élus de la majorité qui étaient favorables à la mesure expriment aujourd'hui leur déception.
"On a loupé une occasion importante". C'est le cas, notamment, de Matthieu Orphelin. Le député du Maine-et-Loire, proche de Nicolas Hulot et fervent défenseur de l'interdiction du glyphosate, a regretté mardi sur BFM TV que ses collègues n'aient pas voté en faveur de l'amendement qu'il avait co-signé. "C'était une occasion importante de graver cet engagement présidentiel qui était très fort, et que peu ont remis en cause dans l'hémicycle. Sur ce sujet-là, on a loupé une occasion importante", a-t-il déclaré. Sur Twitter, le député a fait part de sa "vraie déception".
La sortie du #glyphosate ne sera pas inscrite dans la loi. Cela ne minimise pas les autres avancées obtenues (pour prix justes et pour alimentation durable) mais c'est à mes yeux un RV manqué et une vraie déception car l'urgence écologique et de chgt modèle agricole est si forte. pic.twitter.com/aXuEzNCfKc
— Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) 29 mai 2018
"On cède aux intérêts économiques". Il a été rejoint par Jean-Marc Zulesi, député LREM des Bouches-du-Rhône. "Le ministre Stéphane Travert annonce une 'mission de suivi', c'est mieux que rien mais pas suffisant !", s'est-il indigné. "Les Français méritent une vraie ambition pour agriculture durable et respectueuse de leur santé". Pour Jennifer de Temmerman, élue du Nord, "la représentation nationale cède aux intérêts économiques la santé et l'avenir de nos enfants". De fait, le rôle des lobbies agricoles dans le rejet de cet amendement (et leur poids sur la discussion parlementaire de l'ensemble du texte) a été plusieurs fois souligné, notamment par la députée non-inscrite Delphine Batho, qui en a fait l'objet d'un rappel au règlement dans la nuit de lundi à mardi.
#EGAlim il n'y aura donc pas d'interdiction du #Glyphosate Une occasion manquée.
— Jean-Marc Zulesi (@jmzulesi) 29 mai 2018
Le ministre @StTRAVERT annonce une "mission de suivi" c'est mieux que rien, mais pas suffisant! Les français méritent une vraie ambition pour une #Agriculture durable & respectueuse de leur santé pic.twitter.com/wMI8YGw6Po
Travert agace. Mais il n'y a pas que les lobbies qui ont agacé les députés LREM opposés au glyphosate. L'attitude du ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, a elle aussi pu faire grincer quelques dents. La preuve en images, captées par les journalistes de l'émission "CPolitique" et diffusées dimanche sur France 5. Dans le reportage, on voit la députée Sandrine Le Feur, également agricultrice bio du Finistère, découvrir en direct un tweet du ministre qui minimise la portée de l'amendement qu'elle a cosignée. "L'interdiction du glyphosate n'a jamais figuré dans le projet de loi. Il existe un amendement, déposé par un député, qui n'a pas été adopté en commission", écrit Stéphane Travert. Et ce, alors que l'amendement est cosigné par plus de quarante élus LREM, et adopté en commission du développement durable (mais pas dans celle des affaires économiques). "Le salaud", lâche alors Sandrine Le Feur à l'adresse du ministre.
Sandrine Le Feur, député LREM, découvre en direct un tweet assassin du ministre de l'agriculture Stéphane Travert #CPolitiquepic.twitter.com/78hYC62u5B
— C Politique (@CPolF5) 27 mai 2018
Si les débats sont restés plus diplomatiques dans l'hémicycle, le rejet de l'amendement a néanmoins laissé un goût amer à bien des députés de la majorité, lâchés par le président de groupe, Richard Ferrand. D'autant qu'il intervient au moment où Nicolas Hulot, ministre de la Transition énergétique et favorable à l'interdiction du glyphosate, exprime publiquement des doutes sur son avenir au sein du gouvernement. Cela ne devrait pourtant pas compromettre l'adoption du texte, mercredi. Quant au respect du délai de trois ans avant l'interdiction, le gouvernement a eu à cœur de dire et répéter mardi qu'il n'était pas remis en cause. "Ce sera fait", a certifié Benjamin Griveaux. "Arrêtons en permanence de penser que la contrainte, la sanction, sont les seuls moyens de conduire des politiques publiques efficaces."