C’était une première. L’hommage d’un chef de l’État aux "anges gardiens" et aux "boucliers" du président de la République et de sa famille. C’est par ces mots qu’Emmanuel Macron a accueilli, à l’Élysée, tous les policiers et les gendarmes ayant appartenu au GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République) pour les remercier et saluer leur engagement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucun président n’avait pensé à organiser une pareille réunion de famille.
A l’occasion des 40 ans de la formation du "Groupe" sous François Mitterrand en 1983, le président a consacré une cérémonie, à l’image de ces policiers et gendarmes d’élite, faite de simplicité, de camaraderie et de fierté. De discrétion aussi : l’événement ne figurait pas à l’agenda public et était fermé à la presse. Nicolas Sarkozy était présent, mais pas François Hollande, lui aussi convié.
Cinq générations de policiers et gendarmes étaient ensemble, les plus anciens ayant même assuré la protection de François Mitterrand. Le fondateur du "Groupe" qui veilla sur François Mitterrand et sa famille - notamment sur sa fille Mazarine - le Préfet et ancien gendarme Christian Prouteau n’a pas caché son émotion et sa "joie" de revoir des anciens et sa fierté de ce qu’ils ont vécu ensemble. Tout en saluant la qualité du GSPR version 2023, lui qui a fait naître l’unité d’élite au moment où elle comptait exclusivement des gendarmes du GIGN.
Rigueur, abnégation, discrétion et excellence
En attendant le président, un film est diffusé devant près de 400 policiers et gendarmes. Toutes les capacités du groupe y passent : formation, combat de boxe, aguerrissement, prise d’otage, exfiltration du président en voiture blindée, en hélicoptère, hélitreuillage, bains de foule improvisés... Et ce, dans tous les environnements : sous la neige, sous la pluie, en milieu rural, urbain, en métropole, en Outre-mer, en Afrique. La technologie était également mise à l'honneur avec des images en action de brouilleurs et de fusils anti-drones, dépassant des fenêtres des convois présidentiels.
Autant de moyens qui font désormais partie des bagages de tous les voyages officiels. On y aperçoit aussi des situations de tension extrême, où ces anges gardiens affichent constamment la sérénité des professionnels qui maîtrisent leur univers. Un détail ? Emmanuel Macron est l’acteur principal des images.
Remontant le temps, le chef de l’État s’essaie à une définition historique de l’unité : "une quarantaine de gendarmes sélectionnés et formés, le Groupe reçoit pour mission d’assurer la sécurité personnelle du président de la République 24 heures sur 24, tant dans le domaine de sa vie publique que privée". Une évidence : la mission n’a pas bougé d’un poil en 2023. Mais la menace a évolué, comme les moyens techniques. Les hommes et les femmes également.
"Un président qui sut traverser la rue pour trouver son nouveau travail"
Les moments marquants de l’unité sont rappelés, avec un mot pour chaque ancien président : en 1995, "quand Jacques Chirac fut élu, le GSPR était déjà une unité reconnue, tant en France qu'à l'international. Mais il y fit pourtant souffler un vent de nouveauté, avec une exigence renforcée de discrétion". Mais aussi l'intégration des deux premières femmes en 1998. À partir de l’an 2000, l’arrivée de la parité gendarmerie-police (des policiers du SDLP, ex-SPHP), avec 26 gendarmes et 26 policiers. Des moments de profonde remise en question et donc de "modernisation vitale" sont aussi soulignés, comme après la tentative d’assassinat de Jacques Chirac le 14 juillet 2002.
Puis vient le tour de Nicolas Sarkozy, le seul ancien président présent. Ne masquant pas son affection pour lui, Emmanuel Macron tente un trait d’humour : "un président qui sut traverser la rue pour trouver son nouveau travail". Rappelant que Nicolas Sarkozy emporta du ministère de l’Intérieur jusqu’à l’Élysée "des policiers chargés de sa sécurité depuis plusieurs années et leur chef, Michel Bénard". Emmanuel Macron prend alors le soin de ne pas mentionner la période de froid qui s'est ensuivie avec les gendarmes, puisqu'entre 2007 et 2012, le Groupe n’a plus compté que des policiers. Il est ensuite question du quinquennat de François Hollande, qui a vu pour la première fois une femme, la policière Sophie Hatt, prendre la tête de l’unité.
Le souvenir des Gilets jaunes au Puy-en-Velay
Devant ce parterre d’hommes et de femmes du groupe (ils sont 82 aujourd’hui), de leurs chefs d’autrefois et d’aujourd’hui, le patron de la gendarmerie, le Général Rodriguez, celui de la police, Frédéric Veaux, du préfet de police de Paris, Laurent Nunez, le chef du GIGN, Ghislain Réty, ou encore du Général Richard Lizurey, ancien directeur général de la gendarmerie, Emmanuel Macron a conclu par des souvenirs personnels. "Des rues vibrantes de Lagos, aux trains pour rejoindre Kiev, des moments plus difficiles au Puy-en-Velay [où le convoi présidentiel avait été attaqué - Ils me tueront peut-être d'une balle, mais jamais d'autre chose" - avait alors confié Emmanuel Macron, NDLR], aux bains de foule à Cergy-Pontoise ou à Beyrouth, des courses à Brégançon".
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Visiblement touchés par cette reconnaissance d’Emmanuel Macron, policiers et gendarmes n’ont pas boudé leur plaisir en se faisant photographier dans la cour de l’Élysée à côté des voitures présidentielles qu’ils ont eu l’honneur de protéger depuis 1983. De la voiture blindée de François Mitterrand à celle de Jacques Chirac qui ne souhaitait pas de carrosserie plus épaisse, en terminant par les véhicules plus récents pesant plus de quatre tonnes, avec un lourd blindage, notamment pour les protéger des IED (engins explosifs).
Cette matinée a été vécue par tous comme un hommage célébrant l’unité d’une grande famille, réunie pour la première fois. Une famille avec des valeurs, le sens de l’honneur et l’amour de son pays. Une famille, dont l’image tranche avec une société française qui apparaît aujourd’hui fracturée par le doute, les divisions et l’ultra violence. Une famille, dont le président actuel et ses successeurs auront plus besoin que jamais.