L'Assemblée nationale a voté mardi en première lecture la proposition de loi de la députée LREM Laetitia Avia pour mieux lutter contre la haine en ligne, par 434 voix pour, 33 contre et 69 abstentions.
Mesure phare, sur le modèle allemand : plateformes et moteurs de recherche auront l'obligation de retirer les contenus "manifestement" illicites sous 24 heures, sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros. Sont visées les incitations à la haine, à la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses. Les plateformes ne devront pas se contenter de retirer tous les messages ou images signalés : elles devront éviter des retraits injustifiés, ont précisé les députés par amendement la semaine dernière.
Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne
Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes : transparence sur les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d'attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne, a aussi fait ajouter le gouvernement, à la grande satisfaction des députés de tous bords voulant remettre la justice au centre du dispositif.
"Un combat exigeant qui s'engage", souligne Laetitia Avia
"C'est un combat exigeant et de longue haleine qui s'engage", a souligné son auteure, Laetitia Avia, en guerre contre les "trolls" et "haters" la poursuivant depuis des années notamment pour la couleur noire de sa peau.
La plupart des groupes politiques se sont partagés. La quasi-totalité des députés LREM, MoDem et UDI se sont prononcés pour, mais une poignée se sont abstenus.
Dans le camp des farouches opposants, les Insoumis ont refusé que "sous prétexte de responsabiliser les plateformes", la proposition de loi "déresponsabilise l'Etat". Egalement contre, les députés RN dont Marine Le Pen s'inquiètent pour "les libertés publiques". Les trois quarts des Républicains ont en revanche voté pour, les socialistes se sont partagés entre abstention et pour, et enfin élus Libertés et territoires ainsi que communistes se sont majoritairement abstenus
Des craintes de censure
Hors Palais Bourbon, le texte a uni contre lui quantité d'acteurs parfois pour des raisons différentes, au nom des risques de "censure". Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l'Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé que "le juge doit être au coeur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage".
Défendant les droits de l'internaute, la Quadrature du Net s'alarme du fait que l'obligation de retrait pèsera aussi sur des opérateurs "sans activité commerciale" tel Wikipedia. Les grandes entreprises du numérique elles-mêmes s'inquiètent de l'obligation de retrait, pouvant entraîner une cascade de polémiques et conflits juridiques.
Facebook, pourtant allié du gouvernement et d'Emmanuel Macron pour des règles pour la Toile, refuse quand à lui de prendre "seul" et "dans un délai contraint" une décision de retrait.