C'est une attaque en règle qu'a menée François Hollande, mardi, sur l'antenne d'Europe 1. Le chef de l'État a consciencieusement pilonné le programme économique des candidats à la primaire de la droite et du centre. Sans jamais en nommer un en particulier, le président s'est insurgé, pêle-mêle, contre les hausses de TVA, suppression de l'ISF ou encore réduction du nombre de fonctionnaires promises par l'opposition. Un choix qui ne doit rien au hasard, et permet à François Hollande à la fois de minimiser les différences entre les candidats, et de tenter de récupérer l'électorat traditionnel de la gauche.
TVA et plein emploi. "Quand je vois que certains candidats à la primaire de la droite veulent augmenter la TVA, je dis [que] ce n'est pas juste. Parce que ça va toucher tous les Français, indifféremment", a ainsi tempêté François Hollande. Avant de s'attaquer aux "propositions miracles" contre le chômage faites par la droite, notamment Alain Juppé, qui promet de revenir au "plein emploi" en cinq ans. "Je ne pense pas qu'on puisse dire 'on fait une loi et ça va créer des milliers d'emploi'. Là aussi, si une personne vient vous voir, ça va peut-être arriver dans les prochains mois, en vous disant qu'avec une loi il va créer de l'emploi, vous lui direz qu'il n'y a pas de mécanique, pas d'automaticité", a taclé François Hollande.
100 milliards d'économie. Le président ne s'est pas arrêté là, pointant les programmes de l'opposition en matière de maîtrise budgétaire. "C'est toujours les mêmes chiffres : allez, 100 milliards d'économie pour le prochain quinquennat, alors même que je rappelle que, de 2007 à 2012, il y avait 600 milliards de dette de plus." Et François Hollande d'enchaîner sur les propositions de suppression des fonctionnaires. "Après, ils nous disent [qu']il faut supprimer 300.000 à 350.000 fonctionnaires en cinq ans. Alors même qu'ils nous disent qu'il ne faut pas toucher à la police, à la justice, à l'armée et même, certains, à l'éducation."
Un pari risqué. Jamais encore François Hollande n'avait attaqué la droite aussi frontalement sur ses propositions pour les prochaines échéances électorales. Se concentrer sur le terrain économique pouvait paraître risqué, tant les résultats du président en la matière sont controversés. Le chef de l'État a beau avoir choisi comme leitmotiv "ça va mieux" (ce qui ne veut pas dire que "tout va bien"), les Français n'en sont pas convaincus : 86% d'entre eux ne sont pas d'accord avec cette maxime, selon un récent sondage Ifop pour Europe 1. Sur le front de l'emploi, François Hollande, sous le mandat duquel près de 609.000 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés, a lui-même reconnu que "la bataille n'est pas gagnée". Quant à la croissance, elle devrait être d'1,5% en 2016, en dessous de la moyenne de la zone euro.
Tous les mêmes. Cependant, ce choix permet à François Hollande de renvoyer tous les candidats à la primaire de la droite dos à dos. "Je lis ce que les uns et les autres proposent. Et ce que je vois, c'est qu'ils disent à peu près tous la même chose", a souligné le président. Exit l'image d'un Alain Juppé plus au centre que ses rivaux, ou celle d'un Bruno Le Maire du "renouveau". François Hollande met le doigt sur l'uniformité des programmes économiques des candidats à la primaire qui, de fait, ont récemment montré leurs points d'accord.
Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire et même Nicolas Sarkozy qui, s'il n'est pas encore officiellement entré dans la course, a eu l'occasion de faire des propositions, sont tous pour la suppression des 35 heures. Ils prônent également des économies drastiques, un recul de l'âge de la retraite, une refonte des prestations sociales (que ce soit via des baisses, des plafonnements ou une dégressivité) et la suppression de l'ISF. Sans compter les suppressions de poste des fonctionnaires, qui vont de 250.000 (Alain Juppé) à un million (sur 10 ans, ce que propose Bruno Le Maire).
Renouer avec la gauche. Ce concours Lépine de l'idée la plus libérale permet en outre à François Hollande de tenter de renouer avec l'électorat traditionnel de la gauche. En premier lieu, les fonctionnaires, qui ont vu leur point d'indice continuer d'être gelé sous le quinquennat socialiste, jusqu'à ce que l'exécutif fasse un geste, en mars dernier. "Nous avons besoin d'un État fort, d'un État qui puisse être respecté, d'avoir une police qui nous protège. On a besoin d'une armée", a martelé François Hollande. Le président en a également profité pour lancer un appel du pied aux classes moyennes et populaires. Lui qui leur promet déjà de nouvelles baisses de fiscalité en 2017 a pointé, à titre de comparaison, la suppression de l'impôt sur la fortune prônée par la droite.
"Le risque, c'est que [les candidats à la primaire] suppriment l'impôt sur les plus favorisés", a-t-il estimé. "Franchement, au moment où l'économie reprend, dire aux Français qu'on va baisser l'impôt des plus favorisés et qu'on va augmenter l'impôt de tous avec la TVA pour qu'il y ait moins de consommation, moins d'investissement et moins de capacité d'emploi…" Une diatribe qui ressemble fort à celle d'un candidat.