Ils devraient être habitués tant les livres rapportant les propos "off" du président de la République ont été nombreux ces derniers mois. Mais les dernières confidences de François Hollande, que l'on peut lire dans Un président ne devrait pas dire ça des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont laissé les proches du chef de l'État perplexes.
Dans ce livre, François Hollande n'y va pas de main morte, tapant sur le Parti socialiste, dont il préconise la "liquidation", comme sur les magistrats, dont il fustige la "lâcheté". Le président parle aussi de sa vie privée, confiant qu'il refuse d'officialiser sa relation avec Julie Gayet, ou encore d'islam et d'immigration dans des termes qui ne peuvent qu'hérisser la gauche : "il y a trop d'immigration qui ne devrait pas être là." À l'arrivée, nombreux sont ceux qui, au PS, n'ont plus qu'une seule certitude : François Hollande ne devrait effectivement pas dire ça.
"Étonné et déboussolé". Le doute a été formulé on ne peut plus clairement par Claude Bartolone, vendredi, dans un entretien à La Provence. "Un président ne doit pas autant se confesser. Le devoir de silence fait partie de sa fonction", a souligné le président de l'Assemblée nationale, pourtant fidèle parmi les fidèles de François Hollande. Jean-Christophe Cambadélis, de son côté, s'est dit sur RTL "étonné et déboussolé" par le contenu du livre. Le premier secrétaire du PS cherche bien des explications. "J'ai compris ce que [le président] voulait faire : clarifier, faire une mise au point." L'argument a du mal à faire mouche.
" Un président ne doit pas autant se confesser. Le devoir de silence fait partie de sa fonction. "
Un commentateur plus qu'un chef d'État. Avec la perplexité palpable chez les proches du président vient aussi le doute. Le chef de l'État, qui souffre déjà d'une impopularité chronique, peut-il encore se présenter à sa propre réélection ? Les premiers signes de campagne, comme le discours de Wagram, semblent déjà loin. L'interview donnée à L'Obs jeudi, dans laquelle François Hollande défend bec et ongles son bilan avant d'égratigner la droite, étape classique de l'enfilage du costume de candidat, est complètement brouillée par la sortie concomitante du livre. Un président ne devrait pas dire ça place le chef de l'État dans la position d'un commentateur de la vie politique, sans garde-fou, plus que dans celle d'un politique aux responsabilités.
"Une hésitation transparaît". Au point de faire craindre à certains un suicide politique en bonne et due forme. "Je me pose des questions sur sa volonté", a ainsi confié Claude Bartolone. "Une hésitation transparaît. Je lui ai fait part de ma stupéfaction. Il y a un grand besoin d'explication pour comprendre s'il veut vraiment être candidat." Jean-Christophe Cambadélis a quant à lui été obligé de reconnaître que François Hollande ne s'était "pas facilité la tâche", tout en continuant d'y croire. "Il est encore en situation de rassembler la plupart de son camp, ce qui n'est pas le cas de tous." Il n'y a guère que les hollandais les plus jusqu'au-boutistes, comme la sénatrice Frédérique Espagnac, pour affirmer sans réserve que "ce livre n'a[ura] pas d'incidence". "Ce qui est important, ce sont les actes. Je sais qu'il sera candidat", a martelé l'élue des Pyrénées Atlantiques sur Europe 1, vendredi.
"Faire campagne pour lui, ça va être dur". Reste que la séquence affaiblit considérablement le président. Que ses adversaires déclarés à gauche s'engouffrent dans la brèche ne surprendra personne. "L'activité présidentielle est extrêmement journalistique, je préfèrerais qu'elle soit différente", a ainsi raillé Arnaud Montebourg jeudi, en marge d'un déplacement dans l'Est. Mais les propres soutiens de François Hollande menacent de flancher. Depuis plusieurs semaines déjà, un appel à soutenir sa candidature pour 2017 était dans les tuyaux des parlementaires socialistes. Désormais, il est question de la repousser. "Faire campagne pour lui, ça va être dur", confie un proche du chef de l'État au Figaro. Dans Le Point, un ministre va même plus loin : "il va falloir s'en débarrasser."
" Faire campagne pour lui, ça va être dur. "
Valls se tient prêt. Si François Hollande était contraint de renoncer, un espace politique sur l'aile droite de la gauche se libèrerait de fait. Espace que convoite activement Emmanuel Macron. Dans un entretien, vendredi, à la chaîne de télévision de l'agence anglophone Bloomberg, l'ancien ministre de l'Économie a indiqué qu'il déciderait "probablement en décembre ou janvier" s'il serait candidat à la présidentielle. Depuis le Canada, où il est en visite officielle, Manuel Valls, qui se place lui aussi sur le créneau de la "gauche du réel", a pris le soin de faire entendre sa petite musique. "Il faut de la pudeur, il faut de la hauteur de vue, il faut être sur les sujets qui intéressent les Français et concentrés sur une seule tâche : servir notre patrie", a-t-il lancé. Avant de confirmer, en off, qu'il se tenait prêt au cas où François Hollande serait contraint de renoncer.
Et pendant ce temps là, @manuelvalls recadre @fhollande depuis le Canada "hauteur, dignité, pudeur" réclame le PM. Un 2e Brutus est né?
— anne laure dagnet (@aldagnet) 14 octobre 2016