Le congrès du Parti socialiste débute vendredi à Poitiers. Un rendez-vous sans grand enjeu, puisque François Hollande a déjà plié le match. La motion portée par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, et soutenue par l'exécutif, a rassemblé plus de 60% des suffrages des militants. Une majorité confortable, mais probablement insuffisante pour régler un sujet sensible au PS : Hollande sera-t-il le candidat automatique de la gauche en 2017, ou faudra-t-il en passer par une primaire ? Selon un sondage OpinionWay pour Le Figaro et LCI publié jeudi, 76% des sympathisants du PS souhaitent que le parti organise un tel scrutin, même si François Hollande choisit de se représenter.
"Une possibilité", selon Cambadélis. C'est Jean-Christophe Cambadélis lui-même qui a remis le sujet au goût du jour, en laissant la porte ouverte. La primaire "ne figure pas dans la motion, mais elle reste une possibilité", a-t-il affirmé dans Le Monde la semaine dernière. "Nous devons nous demander ce qui est le plus efficace pour notre candidat. Est-ce de passer ou non par une primaire si c’est le président de la République qui se présente, ce que j’appelle de mes vœux ?"
Le sujet revient comme un serpent de mer. En novembre dernier, c'est même un membre du gouvernement, Thierry Mandon, qui a mis les pieds dans le plat. Le secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat avait jugé "indispensable" une primaire "élargie aux radicaux, écologistes et tous ceux qui voudront y participer" pour assurer la présence de la gauche au second tour de la présidentielle. Recadré par François Hollande en conseil des ministres, Thierry Mandon ne s'exprime plus sur ce sujet pour l'instant. "Ce n'est pas le moment d'en parler", élude son entourage.
Une obligation inscrite dans les statuts. Mais d'autres en parlent très bien. Les statuts du Parti socialiste, par exemple, qui prévoient, dans leur article 5.3.1, que "le candidat à la présidence de la République est désigné au travers de primaires citoyennes". Ou encore la motion portée au congrès par l'aile gauche du PS, qui a rassemblé près de 30% des voix. Le texte expose les avantages qu'offriraient des primaires, tout en appelant à prendre une décision sur leur tenue - ou pas - en mars 2016. "On ne peut pas faire comme si le sujet n'existait pas", avertit le député Christian Paul, premier signataire de la motion, contacté par Europe 1.
Un moyen de rassembler la gauche derrière Hollande. En résumé, personne ne réclame absolument la primaire, mais personne ne l'évacue, y compris le premier secrétaire. "Le moment venu, ça se justifiera seulement dans deux cas : pour faire entrer les écologistes ou pour donner un coup de pouce au président", confie Jean-Christophe Cambadélis. Vue de cette façon, la primaire serait un moyen de rassembler l'ensemble des forces de gauche derrière François Hollande, des écologistes aux communistes en passant par les radicaux de gauche. Dans un rapport publié en avril, le think tank Terra Nova, proche du PS, appelait à une telle "primaire de coalition". L'avantage : présenter une candidature de gauche unique en 2017 et s'assurer de passer le premier tour.
Valls en embuscade. Mais dans les couloirs de Solferino, un autre scénario circule, plus délicat. "Si le chômage ne baisse pas, qu'on perd les régionales et que François Hollande dévisse dans les sondages, il peut considérer qu'il n'est pas en situation de se représenter", avance un cadre de l'aile gauche, qui assure que "c'est un cas de figure que personne n'écarte, y compris Cambadélis". D'autant que Manuel Valls reste en embuscade. L'opinion lui est favorable. Selon OpinionWay, dans le cas d'une primaire, 42% des sympathisants PS choisiraient le Premier ministre, contre seulement 27% pour François Hollande. "Si à la fin de l'automne 2016, un sondage donne pour la 18e fois Valls qualifié au second tour et pas lui, Hollande sera obligé de se poser la question de sa candidature", affirme un cadre proche de la direction du PS. "Mais c'est lui seul qui en décidera".
Une chose est sûre : en ralliant la plupart des ténors à sa cause lors du congrès, et notamment Martine Aubry, François Hollande a redoré sa légitimité pour être le candidat naturel en 2017. Même Benoît Hamon, figure de l'aile gauche, semble résigné. "Il est clair que si François Hollande est candidat à sa succession, Jean-Christophe Cambadélis n'organisera pas de primaire", a-t-il admis mardi sur France 2. "Si François Hollande n'était pas candidat, ces primaires s'imposeront, voilà".
"Tout dépend de François Hollande". Finalement, "tout dépend de François Hollande", confirme Gérard Grunberg, directeur de recherche à Sciences Po et grand spécialiste des arcanes socialistes. Même si, selon lui, organiser une primaire à laquelle participerait un président sortant est une mauvaise idée. "Cela affaiblirait le parti en obligeant les différents concurrents à critiquer la politique de François Hollande", explique-t-il. Remettre sa candidature en jeu au risque de la division, ou passer en force au risque de la contestation ? Le chef de l'Etat n'a pas de bonne solution.