Edith Cresson avait été nommée Première ministre en 1991. 8:13
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Antoine Terrel , modifié à
Le 15 mai 1991, la socialiste Édith Cresson devenait la première femme à être nommée Premier ministre. Mais très vite, elle a dû faire face à de violentes critiques, souvent teintées de sexisme, de la part de la presse mais aussi de ses collègues en politique. "Dès que j'essayais de faire quelque chose, c'était critiqué d'une façon ordurière", se souvient-elle vendredi sur Europe 1. 
INTERVIEW

Si son passage à Matignon a duré moins d’un an, il n’en reste pas moins historique. En étant nommée le 15 mai 1991 par François Mitterrand, Édith Cresson devenait alors la première (et toujours unique) femme Premier ministre en France. Mais très vite, la socialiste deviendra impopulaire et paiera les échecs de la majorité aux élections régionales et cantonales en étant remplacée par Pierre Bérégovoy. Au micro d’Europe 1, vendredi, celle qui se fait depuis des années relativement discrète dans le débat public revient sur cette période, et insiste notamment sur le sexisme des commentaires lorsqu'elle était à la tête du gouvernement. 

"Ces fonctions, je ne les ai pas recherchées", assure-t-elle aujourd’hui. "J'étais extrêmement réticente parce qu'on était dans la deuxième partie du deuxième mandat, ce qui est la pire période."

Et dès son arrivée à Matignon, celle qui avait déjà été notamment ministre de l'Agriculture ou des Affaires européennes doit faire face à des violentes critiques. De la presse, mais également de la part de ses collègues. "J'ai été tout de suite extrêmement attaquée par les médias, et aussi par les hommes politiques de droite, mais pas seulement", se souvient-elle, dénonçant une "attitude hostile" de la part des commentateurs.

"C'est totalement propre à la France"

L’émission satirique culte du "Bebête show" a particulièrement nui à son image. "Ils me représentaient comme une panthère lascive se traînant aux pieds de Mitterrand qui lui donnait des coups de pied pour s'en débarrasser. Donc, les gens qui ne me connaissaient pas avaient de moi une image épouvantable qui était véhiculée par les médias”, regrette encore l’invitée d’Europe 1. Dans la presse, "les commentaires, c'était 'elle porte des boucles d'oreilles'. Elle porte un bracelet'. 'Regardez comment elle marche'. Ils se mettaient à genoux devant ma voiture pour filmer mes jambes. L'attitude de ces gens-là était inimaginable", s’indigne encore Édith Cresson. 

Pour l’ancienne Première ministre, ce sexisme vis-à-vis d’une responsable politique est "totalement propre à la France".  "J'ai vu comment ça se passe ailleurs… Jamais il n'y a des choses de ce genre. Une femme a été Première ministre au Portugal sans que ça pose le moindre problème, et je  n'ai jamais vu une attitude de ce type en Espagne". 

"Critiquée d'une façon ordurière"

A la tête du gouvernement, "j'ai appliqué le programme qui était dans la lettre à tous les Français de François Mitterrand", rappelle Édith Cresson. "Mais dès que j'essayais de faire quelque chose, c'était immédiatement critiqué d'une façon ordurière." 

Et alors qu’Édith Cresson devait faire face à la violence des commentaires, elle devait également composer avec un gouvernement de fortes personnalités, pour la plupart masculines : Roland Dumas, Pierre Joxe, Lionel Jospin, Jack Lang, etc. "Je n'ai eu aucun problème avec Pierre Joxe, avec Jack Lang… J'ai eu des problèmes avec Roland Dumas parce qu’il était extrêmement macho. Mais autrement, les ministres font leur boulot”, dit aujourd’hui Édith Cresson. 

Être une femme "ne change rien" à la façon de gouverner

Depuis son passage à Matignon, aucune femme n’est redevenue Première ministre. Pour Édith Cresson, si la place des femmes en politique s’est banalisée, ce n’est pas le cas pour les plus hautes fonctions. "Qu'une femme puisse être ministre, pendant un certain temps, ça a choqué. Puis ensuite, ils s'y sont plus ou moins habitué. Mais Premier ministre, c'était trop... Ils ne pouvaient pas."

Pourtant, assure Édith Cresson, être une femme ne change "rien du tout" à la façon de gouverner un pays. "C'est une question qu'on ne pose pas en Angleterre, qu'on a jamais posée à Margaret Thatcher. Il n'y a qu'en France qu’on pose cette question", s’agace-t-elle.