La République en Marche (LREM) - nouveau nom d’En Marche !- ne pourra pas reprocher à Manuel Valls d’avoir manqué de volontarisme. Après avoir soutenu Emmanuel Macron au premier tour, contrairement à ses engagements pris pendant la primaire socialiste, puis au second tour, l’ancien Premier ministre a fait acte de candidature mardi pour être élu sous l’étiquette de la future potentielle majorité présidentielle aux prochaines législatives. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’accueil a été plutôt froid parmi les lieutenants du président élu dimanche face à Marine Le Pen. Preuve que la personnalité du député sortant de l’Essonne embarrasse dans le camp du président élu.
- Un poids politique certain, mais qui s’amenuise
Un ancien Premier ministre socialiste, c’est une belle prise de guerre, incontestablement. Dans l’entreprise d’annexion du Parti socialiste lancée par LREM, c’est un atout non négligeable. Le principal intéressé lui-même semble avoir acté la disparition prochaine de sa formation de toujours. "Ce Parti socialiste est mort, il est derrière nous", a lancé l’ancien maire d’Evry sur RTL. Difficile donc de refuser la main tendue, d’autant que Manuel Valls est capable de drainer avec lui un nombre non négligeable de députés sortants, tous candidats crédibles à leur réélection. Il leur a d’ailleurs lancé un appel clair mardi matin : "Il faut aller jusqu'au bout de cette recomposition, ceux qui restent au milieu du gué seront emportés".
Sauf que l’attitude de Manuel Valls ne plaît pas à tout le monde. En premier lieu au sein du PS, évidemment. Déjà, son ralliement à Emmanuel Macron avait été vécu comme une trahison à l’encontre du candidat investi Benoît Hamon. Désormais, il risque l’exclusion. Jean-Christophe Cambadélis a jugé mardi "impossible" que l’ex-Premier ministre reste au PS s’il est investi par La République en marche. Il est donc fort à parier que Manuel Valls aura en face de lui un candidat PS dans sa circonscription en Essonne. Et que le parti de la rue de Solférino jette toutes ses forces dans la bataille pour le faire battre.
Mais, et c’est sans doute plus grave pour LREM, ça se lézarde aussi parmi les proches de Manuel Valls, ce qui pourrait relativiser encore le poids politique de l’ancien Premier ministre. Ami et traditionnellement fidèle du député de l’Essonne, Luc Carvounas, sénateur-maire d’Alfortville, a acté sa rupture sur Twitter.
Je suis progressiste réformiste mais aussi socialiste attaché à son Parti et ses valeurs. Non @manuelvalls je ne te suivrais pas cette fois
— Luc Carvounas (@luccarvounas) 9 mai 2017
- Futur "premier frondeur" ?
Si la candidature de Manuel Valls est retenue par LREM, et si l’ancien Premier ministre est élu député, reste à savoir comment il se comportera à l’Assemblée. L’ancien Premier ministre pourrait être tenté de faire entendre sa différence sur certains projets. Sur Twitter, un journaliste du Monde a relayé cette inquiétude d’un proche d’Emmanuel Macron : "pas question d’investir un mec qui sera notre premier frondeur dans six mois". Et si d’autres "vallsistes" sont dans l’hémicycle, alors Manuel Valls pourrait même être en capacité de créer un groupe politique indépendant, ce qui serait un sacré caillou dans la chaussure des "macronistes" si cela les privait de la majorité absolue.
Valls chez @enmarchefr? "Pas question d'investir un mec qui sera notre 1er frondeur dans 6 mois" disait un élu macroniste il y a qques jours
— Cédric Pietralunga (@CPietralunga) 9 mai 2017
Cette incertitude quant à la loyauté future de Manuel Valls explique sans doute pourquoi son acte de candidature a été aussi fraichement accueilli. "Il aurait dû déposer sa candidature comme chacun, puisque la règle est la même pour tous. Il lui reste 24 heures. La procédure est la même pour tout le monde, ancien Premier ministre compris", a ainsi réagi Benjamin Griveaux, porte-parole du candidat Macron, sur Europe 1, quelques minutes seulement après les propos de Manuel Valls.
Quant à Jean-Paul Delevoye, le monsieur Investitures de La République en marche, il s’est contenté de préciser qu’une femme avait déjà candidaté, dans les règles elle, sur le site du mouvement, dans la même circonscription. "Et donc on verra si Manuel Valls décide de proposer (sa candidature, ndlr), nous aurons à choisir si nous maintenons cette candidate ou pas", a-t-il indiqué. Manuel Valls est prévenu : il n’y aura pas pour lui de candidature automatique chez LREM. Et l’ancien Premier ministre devra probablement donner nombre de garanties pour être intronisé. Pour lui, la visibilité politique est sans doute à ce prix.