Après un an d'atermoiements et faute d'obtenir des avancées suffisantes en matière d'environnement, le ministre de la transition écologique Nicolas Hulot a annoncé mardi qu'il avait pris la décision de quitter le gouvernement. "Ne me voyez aucune ambition politique. C'est terminé", a-t-il ajouté.
Une décision prise seul
Une décision "difficile". "Je vais prendre la décision la plus difficile de ma vie. Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là et donc je prends la décision de quitter le gouvernement", a déclaré le ministre, des sanglots dans la voix. "Ne me voyez aucune ambition politique. C'est terminé", a-t-il ajouté, annonçant alors qu'il quittait la politique.
Nicolas Hulot : "Je prends la décision de quitter le gouvernement" #le79inter cc @leasalame@ndemorandpic.twitter.com/MhRq7zEktM
— France Inter (@franceinter) 28 août 2018
Ni Macron ni Philippe prévenus, assure-t-il. Nicolas Hulot a précisé qu'il n'avait prévenu ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe de sa décision. Le ministre de la Transition écologique a confié qu'il craignait, s'il avait prévenu le président et le premier ministre, qu'il ne le convainquent de rester au gouvernement. "C'est une décision d'honnêteté et de responsabilité", a-t-il ajouté, reconnaissant aussi ne pas agir "de manière très protocolaire".
"Le premier ministre, le président de la République ont été pendant ces 14 mois à mon égard d'une affection, d'une loyauté et d'une fidélité à toute épreuve", a confié le ministre, mais malgré cela, le gouvernement n'a pas su donner la priorité aux enjeux environnementaux, a-t-il plaidé, estimant n'avoir pu obtenir que des "petits pas".
Une démission qui couvait depuis longtemps
Lundi soir, le ministre de la Transition écologique a vécu la réunion entre Emmanuel Macron et les chasseurs comme la goutte de trop. "La décision du président de la République de diminuer le prix du permis de chasse" a visiblement été le coup de grâce, pour celui qui défendait de son côté les oiseaux menacés de disparition.
"Vu les décisions qui se profilaient, Nicolas Hulot a fait savoir à l'Élysée que dans ces conditions, il allait démissionner", selon les informations de Mickaël Darmon, journaliste politique d'Europe 1. "Mais il menace de démissionner tous les quinze jours", commente une source proche de l'Élysée. "Dès lors, au Palais, on n'y a pas cru, et personne n'a tenu compte de l'avertissement de Nicolas Hulot", ajoute le journaliste politique.
Un sévère bilan écologique
Le ministre a fait cette déclaration après avoir dressé un rapide bilan de l'action du gouvernement. "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation des pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", déplore-t-il. Nicolas Hulot a par ailleurs regretté de n'avoir pas pu convaincre sur certains dossiers. "J'ai un peu d'influence, j'ai pas de pouvoir. "Le nucléaire, cette folie inutile dans laquelle on s'entête. Là aussi, je n'ai pas réussi à convaincre."
Le ministre de la Transition écologique a également dénoncé la "présence des lobbies dans les cercles du pouvoir", illustrée par celle du conseiller politique des chasseurs lors d'une réunion importante lundi à l'Elysée, qui a "achevé" de le convaincre de quitter le gouvernement. "Ça va paraître anecdotique mais pour moi c'était symptomatique et c'est probablement un élément qui a achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner", a-t-il ajouté. "C'est symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment ou un autre poser ce problème sur la table parce que c'est un problème de démocratie: qui a le pouvoir, qui gouverne ?".
Des politiques de tous bords réagissent
Griveaux rend "hommage" à son travail. "Je regrette ce départ", a déclaré le porte-parole du gouvernement, qui n'était "pas prévenu" de la décision du ministre. "Je veux rendre hommage au travail qui a été accompli depuis plus d'une année par Nicolas Hulot", bien que "la plus élémentaire des courtoisies aurait été effectivement de prévenir le président de la République et le Premier ministre", a estimé le porte-parole sur BFMTV et RMC.
Des personnalités qui saluent cette décision. De son côté, l'ancienne ministre de l'Environnement Corinne Le Page a lancé un "bravo et enfin" sur Twitter. "Il aura fallu la goutte d’eau des chasseurs pour faire déborder un vase plein depuis des mois", a-t-il ajouté.
@N_Hulot quitte le gouvernement .Bravo et enfin . il aura fallu la goutte d’eau des chasseurs pour faire déborder un vase plein depuis des mois qui marque la regression que j’avais soulignée à plusieurs reprises de l’environnement en France
— Corinne Lepage (@corinnelepage) 28 août 2018
Benoît Hamon, l'ancien candidat à la présidentielle et fondateur de Générations, a salué sur Twitter "la décision courageuse" de Nicolas Hulot qu'il considère comme un "appel au réveil des consciences global pour engager la transformation de notre modèle de développement".
La démission de @N_Hulot est un appel au réveil des consciences global pour engager la transformation de notre modèle de développement. Changer nos modes de production et de consommation, notre rapport au travail et notre relation au vivant, c’est cela la transition écologique.
— Benoît Hamon (@benoithamon) 28 août 2018
Jean-Luc Mélenchon a dénoncé quant à lui une démission en forme de "vote de censure contre Macron".
La démission de Nicolas #Hulot fonctionne comme un vote de censure contre Macron. Il confirme le diagnostic de mon discours de samedi. La macronie commence sa décomposition.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 28 août 2018
Le maire LR de Bordeaux, Alain Juppé a twitté : "J’écoute Nicolas Hulot qui annonce son départ du gouvernement. Je suis impressionné par sa hauteur de vue et la noblesse de sa démarche. J’espère qu’au delà du buzz politique inévitable, cette décision nous incitera tous à réfléchir et à changer." Même Laurent Wauquiez, patron de LR, a déclaré "comprendre" que Nicolas Hulot se soit senti "trahi" par Emmanuel Macron.