Jordan Bardella a été élu samedi numéro un du Rassemblement national, mettant fin à onze ans de présidence de Marine Le Pen dont les ambitions élyséennes demeurent intactes, un avènement perturbé par le scandale du député exclu de l'Assemblée après avoir tenu des propos jugés racistes. Jordan Bardella, qui devient le troisième président du parti d'extrême droite en cinquante ans d'existence et le premier à ne pas porter le patronyme Le Pen, s'est imposé avec près de 85% des suffrages contre Louis Aliot, maire de Perpignan.
L'eurodéputé, âgé de 27 ans, doit prononcer un discours en fin d'après-midi, au terme d'un congrès du parti à Paris, lors duquel l'embarras demeurait palpable au lendemain de l'exclusion pour 15 jours du député RN Grégoire de Fournas, une décision rarissime. L'élu de Gironde a suscité une vive polémique après avoir lancé jeudi dans l'hémicyle "qu'il retourne en Afrique" lors d'une intervention de l'élu LFI Carlos Martens Bilongo, qui s'exprimait sur le "drame de l'immigration clandestine".
Une score au-delà des espérances
En visant "le camp du bien", Marine Le Pen a semblé y faire référence lors d'un discours d'adieu à la présidence, en pointant "mensonge", "déloyauté", "manoeuvre", "honte". "L'adversité, il faut davantage lui faire face et la combattre que la commenter et la subir", a-t-elle exhorté. L'épisode a quoi qu'il en soit mis à mal la volonté de "dédiabolisation" initiée par la candidate malheureuse à la présidentielle, stratégie que son successeur à la tête du parti a indiqué vouloir poursuivre.
Jordan Bardella peut en tout cas se prévaloir d'une forte légitimité interne, avec un score au-delà de ses espérances - il visait au mieux recueillir trois quarts des suffrages, alors qu'un peu moins de 30.000 adhérents ont pris part au vote. S'il devrait honorer sa promesse de nommer son adversaire, Louis Aliot, vice-président du parti, il n'aura aucune difficulté à constituer une équipe exécutive à son service, sans se soucier d'équilibre de sensibilités. Mais, tout président qu'il devient, M. Bardella va devoir trouver sa place, tant Marine Le Pen entend demeurer au coeur du pouvoir en dirigeant un groupe de 89 députés, une machine bien plus puissante que la seule structure du partisane.
Or, le parti a souvent réservé un sort cruel à ses numéros deux - "le destin de dauphin est parfois de s'échouer", avait résumé en son temps Jean-Marie Le Pen.
"Relation singulière"
Jordan Bardella préfère louer sa "relation singulière d'une confiance inestimable" avec Marine Le Pen, à qui il jure régulièrement fidélité et loyauté, et à qui il doit une fulgurante ascension entamée en 2019 - il avait pris la tête de la liste RN aux Européennes -, avant de rafler la présidence par intérim du parti l'année dernière. Originaire de Seine-Saint-Denis, celui qui a fêté mi-septembre ses 27 ans s'est surtout révélé lors de la campagne présidentielle au gré de débats télévisés où son aisance et son habileté ont parfois mis en difficulté des contradicteurs chevronnés.
Présenté par certains cadres comme "la créature" de la patronne de l'extrême droite française, ses amitiés politiques ainsi que sa ligne sont toutefois interrogés par certains de ses détracteurs, qui mettent en exergue ses accointances avec les "identitaires" ou une trop grande mansuétude envers ceux qui étaient partis chez Eric Zemmour.
Mi-octobre, son empressement à vouloir participer à une manifestation initiée par Reconquête! après le meurtre de la jeune Lola à Paris - il y a renoncé in extremis - a accentué le trouble quant à son flair ou ses convictions réelles. Malgré des ambitions réputées immenses, il a juré qu'il entendait être le premier supporter d'une quatrième candidature de Marine Le Pen à la présidentielle de 2027. Libérées des tâches internes parfois ingrates, la députée du Pas-de-Calais consolide depuis le Palais Bourbon plus que jamais son assise politique et médiatique.