"Quel gâchis !" Alain Juppé n’a pas mâché ses mots. Le maire de Bordeaux a confirmé "une bonne fois pour toutes", lundi en milieu de matinée lors d’une brève conférence de presse depuis sa mairie, qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle à la place de François Fillon. Depuis plusieurs semaines, le médaillé d’argent de la primaire de la droite et du centre apparaissait comme un éventuel recours pour sa famille politique, alors même que le Sarthois, menacé par une possible mise en examen et lâché par de nombreux élus, s’obstine à rester dans la course.
Une droite à la dérive. Dans un discours assez sombre, Alain Juppé a donc renoncé à briguer l’investiture suprême, et n’a pas manqué de fustiger l’attitude de François Fillon ces dernières semaines, conduisant la droite dans "une impasse", selon lui. "Jamais sous la Ve République une élection présidentielle ne s’est présentée sous des conditions aussi confuses", a-t-il estimé, pointant à la fois la fracture de la gauche, "qui court le risque d’être éliminée au premier tour de scrutin", le FN de Marine Le Pen, "dont le fanatisme anti-européen conduirait notre pays au désastre", "l’immaturité politique et la faiblesse" du projet d’Emmanuel Macron, mais surtout, la responsabilité de la droite et du centre.
"Au lendemain de notre primaire, dont le résultat a été incontestable et incontesté, François Fillon, à qui j’ai immédiatement apporté mon soutien, avait un boulevard devant lui", a voulu rappeler Alain Juppé qui, annoncé pendant de longs mois comme le grand favori de ce scrutin, avait dû s’incliner devant le score surprise (66,5%) du député de Paris.
" Le noyau des militants et des sympathisants LR s’est radicalisé "
Une ligne de défense hasardeuse. "Le déclenchement des investigations de la justice à son encontre et son système de défense fondé sur la dénonciation d’un prétendu complot et d’une volonté d’assassinat l’ont conduit dans une impasse", a critiqué Alain Juppé. Pour rappel, au lendemain des révélations du Canard enchaîné sur l’emploi de sa femme, François Fillon, qui avait largement mis en avant son intégrité morale durant la campagne, avait assuré sur la plateau de TF1 qu’il renoncerait à se présenter s’il venait à être mis en examen. Une promesse renouvelée les semaines suivantes sur BFMTV puis dans les colonnes du Journal du Dimanche.
La radicalisation de l’électorat de droite. Ce fut l’une des lignes d’attaque d’Alain Juppé durant l’entre-deux-tours de la primaire de la droite. Celui qui a toujours prôné "le rassemblement le plus large possible de la droite et du centre" avait notamment dénoncé le soutien de Sens commun, émanation de la Manif pour Tous, à François Fillon. Lundi, le maire de Bordeaux est revenu à la charge, estimant que la manifestation dimanche au Trocadéro a montré que "le noyau des militants et des sympathisants LR s’est radicalisé". "Le rassemblement est devenu plus difficile encore", a-t-il déploré. Organisé en soutien à la candidature de François Fillon, cette manifestation, qui a notamment pu compter sur l’expérience des anciens de la Manif pour tous en termes de mobilisation, a réuni malgré la pluie entre 40.000 et 200.000 personnes dimanche après-midi, selon les estimations. François Fillon y a tenu un discours offensif.
Un devoir d'exemplarité. "Les Français veulent un profond renouvellement de leurs dirigeants politiques et à l'évidence, je n'incarne pas ce renouvellement", a encore déclaré Alain Juppé, 71 ans, qui considère notamment que "l'exigence d'exemplarité des Français" ne lui permet plus de se présenter. En 2004, l’édile avait en effet été condamné à 14 mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité pour l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Alain Juppé a tenu à rappeler que "la justice qui [l]'a condamné [l]'a exonéré de tout enrichissement personnel", alors même que François Fillon est soupçonné de "détournements de fonds publics".