C'est tout une ville qui a dit adieu à Bernard Tapie ce vendredi. Entouré de sa famille, des supporters de l'OM et de plusieurs des joueurs qu'il avait conduits sur le toit du football européen, l'ancien homme d'affaires, mort dimanche du cancer à l'âge de 78 ans, a effectué sa dernière étape vendredi à Marseille, "sa ville de cœur". "Le gladiateur se repose enfin", a lâché Jean-Louis Borloo, ex-ministre et avocat historique de Bernard Tapie, son ami depuis 45 ans, lors de la dernière messe pour l'ex-président de l'Olympique de Marseille, en la cathédrale Sainte-Marie Majeure, la Major, face à la Méditerranée.
"Tu t'es battu comme un Marseillais"
"Pendant ces quatre années d'un combat titanesque, tu t'es battu comme un Marseillais, tu as tenté plusieurs fois comme Basil [Boli, qui a inscrit le but de la victoire lors de la victoire de l'OM en Ligue des Champions en 1993, NDLR] de mettre un coup de boule à tes cancers et de tuer le match. Mais ils étaient trop nombreux, trop vicieux, trop organisés, trop puissants", a poursuivi Jean-Louis Borloo. "Tu faisais du vélo malgré cette chimio, tu as mené ce combat avec ton courage, ton intelligence."
Dans la nef, toute la famille de celui que les supporters marseillais vénéraient comme le "boss" était là : son épouse Dominique, ses quatre enfants, ses petits-enfants. On y a vu, également, tout le monde politique local, du maire socialiste de Marseille, Benoît Payan, à la présidente LR du département et de la Métropole, Martine Vassal, en passant par encore Samia Ghali, adjointe au maire de Marseille, ou encore Renaud Muselier, le président LR de la région, qui a salué "le winner permanent".
"De mémoire de Marseillais, je n'ai jamais vu ça"
Tu étais "fort comme un lion, rusé comme un renard, mais humain, résolument humain", a insisté Renaud Muselier. Bernard Tapie, "c'était un enfant de Marseille, un enfant adopté", a rappelé de son côté Benoît Payan, au sujet du titi parisien du XXe arrondissement. "S'il avait été gourou, il aurait eu une secte avec des milliers d'adeptes", avait lâché auparavant Eric Di Meco, l'un des joueurs à avoir gagné la Ligue des champions, au journal régional La Provence, dont Tapie était l'actionnaire majoritaire, dans le cadre d'une émission avec France Bleu Provence.
Crédits : Frédéric Michel / Europe 1
Sur le parvis de la cathédrale, les supporters qui n'ont pas réussi à entrer ont écouté les discours retransmis via des haut-parleurs. Il faut dire qu'après l'avoir salué jeudi, au stade Vélodrome, berceau des exploits de l'OM, il étaient rassemblés par milliers derrière le convoi funéraire, vêtus de noir avec des écharpes de l'OM au cou, pour une procession entre le Vieux-Port et la Major. Mais on comptait également beaucoup de Marseillais lambda, à l'image de Paul, un retraité : "de mémoire de Marseillais, je n'ai jamais vu ça", a-t-il confié à Europe 1. "Une réelle ferveur."
"Chapeau l'artiste"
Les supporters ont chanté, applaudi, mais aussi observé des moments plus silencieux de recueillement. "C'est du jamais vu, jamais", glisse un homme présent. "Il n'y a pas de mot." Plus loin, une autre Marseillaise confirme : "C'est exceptionnel ce qui se passe. Même parti, c'est une légende. Chapeau l'artiste."
Si la plupart des intervenants du jour évitent d'évoquer les condamnations judiciaires de celui qui a également été acteur, chanteur mais aussi racheteur d'entreprises dont il a souvent fait fondre les effectifs, l'archevêque de Marseille n'a pas éludé cette "part d'ombre". "Bernard Tapie n'était pas un saint, loin de là !", a concédé Mgr Jean-Marc Aveline, dans son homélie, rappelant que l'ex-homme d'affaires avait "tutoyé aussi bien les sommets que les abîmes, les salons du pouvoir que les cellules de prison". Mais "il aimait cette ville parce qu'elle lui ressemblait, populaire et libre, fière et rebelle, tendre et violente à la fois".
Accueilli en la Major par des cornes de brume, des applaudissements, le glas et la foule, Bernard Tapie sera inhumé au cimetière de Mazargues, à quelques encablures du Vélodrome. Marseille a un peu renoué avec son histoire ce vendredi. Un peu comme lors des obsèques de Gaston Defferre en 1986. L'ancien maire était d'ailleurs était allé chercher Bernard Tapie pour diriger l'OM. La boucle est bouclée.