Chaque semaine, Europe1.fr vous propose un regard décalé sur l'actualité politique, dans l'objectif d'un photographe de l'AFP.
La semaine a dû être agitée pour Richard Ferrand. Le ministre de la Cohésion des territoires est empêtré dans une affaire politico-judiciaire depuis les révélations du Canard enchaîné le 24 mai sur des soupçons de favoritisme, lorsqu’il était directeur des Mutuelles de Bretagne. Sommé de démissionner par des ténors de l’opposition, Richard Ferrand se fait plutôt discret depuis une semaine. Toutefois, il a maintenu une visite de chantier de logements sociaux à Deauville, en Normandie, lundi. Charly Triballeau, photographe à l’AFP, nous raconte l’engouement médiatique qu’a suscité cette sortie, habituellement boudée des journalistes.
- Choisir le lieu
À l’AFP, on ne couvre pas ce genre de déplacement par un ministre de ce rang. On suit systématiquement le président de la République, le Premier ministre, voire le ministre de l’Intérieur. Les autres ministres, on les suit uniquement s’il y a une histoire autour d’eux. C’était hyper étrange et presque surréaliste de voir autant de médias nationaux présents, ce sont les médias locaux qui d’habitude couvrent cela. Il devait y avoir une dizaine de rédactions, dont toutes les chaînes d’info en continu. Et toutes étaient là, moi y compris, par rapport à la polémique et pour faire réagir Richard Ferrand. On n’était clairement pas là pour le chantier.
- Décrire une ambiance
Aucun journaliste ne s’est d’ailleurs intéressé à l’objet de son déplacement, personne ne lui a posé de questions sur les logements sociaux. Et si Richard Ferrand n’avait pas eu cette casserole, on n’aurait même pas relayé cette visite.
Le ministre devait se douter qu’on était là pour le faire réagir. Il n’a pas cherché à nous fuir mais n’a répondu à aucune question liée à l’affaire, il recentrait immédiatement ses propos sur le chantier. Il n’était franchement pas à l’aise, d’ailleurs on s’est demandé pourquoi il a maintenu sa visite, alors qu’il est en pleine tourmente. On sentait bien que les médias pourchassaient Richard Ferrand : les journalistes y allaient franco, sans pincette, pour poser des questions.
" Je me suis placé pour capter la meute de médias "
- Réfléchir au cadrage
J’ai fait une série de photos en rafale et je voulais, pour varier les angles, qu’il me regarde sur une d’elles alors je l’ai interpellé. Ce cadrage était intentionnel, je voulais capter les médias en arrière-plan, et encore, on ne voit pas tous les médias ! J’ai pensé à cette séquence en amont, je savais qu’il allait finir par partir en voiture. Alors, je me suis placé derrière le véhicule pour capter la meute de médias et lui au centre, en train de monter dans sa voiture.
- Donner du sens à une image
On voit bien à travers cette photo l’énorme intérêt médiatique autour de Richard Ferrand. Je ne sais pas si les foules se passionnent pour les affaires politico-judiciaires, mais les télévisions oui. C’est du pain bénit pour elles, et elles sont prêtes à passer en direct à tout moment. Il y a un tourbillon médiatique dès que quelque chose va de travers, on plonge dedans, on cherche la petite phrase… L’objectif de cette photo était de montrer l’engouement autour de Richard Ferrand, c’était réfléchi. D’autant que c’était l’un de ses rares déplacements après la révélation de l’affaire et je savais pertinemment que les images de cette visite allaient tourner en bloc.