L'Assemblée nationale a donné jeudi son ultime feu vert au projet de loi visant à instaurer une taxe sur les géants du numérique, qui doit faire de la France un des pays pionniers en la matière. Le texte, adopté par 34 voix pour et 13 abstentions, sans aucun vote contre, devra encore être soumis au Sénat le 11 juillet pour être adopté définitivement par le Parlement.
En dépit de l'opposition des Etats-Unis, il vise à mettre en place une taxe Gafa (acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple) à la française pour taxer les activités numériques qui "créent de la valeur grâce aux internautes français". Pour le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, il s'agit de "rétablir la justice fiscale face aux géants du numérique". Et cette solution unilatérale doit servir de "levier" dans les négociations internationales, dans l'attente d'un aboutissement des travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Une taxe qui a vocation a être retirée après un accord mondial
Le ministre a souhaité une validation du projet de loi par le Conseil constitutionnel, afin de "renforcer" la "position politique" de la France "dans les instance du G7, du G20 et de l'OCDE pour mener ce combat sur la taxation du numérique". Voté dans les deux chambres dans des versions différentes au printemps, le texte avait fait l'objet fin juin, d'un compromis en commission mixte paritaire (CMP). Le caractère "temporaire" de la taxe, prévoyant son extinction au 1er janvier 2022, introduit par le Sénat avait notamment été supprimé.
Mais la taxe a bien vocation a être retirée dès qu'il y aura un accord mondial, selon le ministre, et un rapport annuel est prévu sur l'évolution des négociations internationales. Concrètement, la taxe vise les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d'euros dans le monde, dont 25 millions d'euros pouvant être rattachés à des utilisateurs localisés en France.
Une taxe à 3% du chiffre d'affaires réalisé en France
L'idée est de les imposer à hauteur de 3% du chiffre d'affaires réalisé en France notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes. Elle devrait s'appliquer à une trentaine de groupes comme Meetic, Amazon, Airbnb, Instagram ou encore la française Criteo, et rapporter 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions en 2020.
Les députés communistes et LFI se sont abstenus, jugeant le niveau de la taxe très insuffisant, à la limite d'une "transaction amiable" avec les Gafa voire d'une "coquille vide". Bien que favorables au projet de loi, les socialistes ont aussi jugé que ce n'était "pas le grand soir".
Un second volet du projet de loi prévoit d'infléchir la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés pour 2019 pour les grandes entreprises. Il avait été adopté sans changement au Sénat. Le président de la commission des Finances Eric Woerth (LR) a déploré "un coup de griffe à la compétitivité des entreprises". En raison de ce volet, les députés de droite se sont abstenus sur le projet de loi.