Le parquet de Paris a rouvert le 22 janvier dernier une enquête sur des accusations de viol visant le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, a indiqué une source judiciaire samedi, confirmant une information du Monde. Les faits incriminés remonteraient à 2009. Sophie S., 46 ans, accuse le ministre, alors chargé de mission des services juridiques de l'UMP, de l'avoir violée en mars 2009, dans une chambre d'hôtel, en échange d'une intervention dans un dossier judiciaire la concernant.
Les principales informations à retenir
- Gérald Darmanin est visé par une plainte pour viol
- Une enquête préliminaire a été ouverte lundi par le parquet de Paris
- La défense du ministre dénonce des accusations qui "ne traduisent qu'une intention de nuire"
- Matignon a assuré Gérald Darmanin de "toute sa confiance"
Sur quoi porte l'accusation ?
En 2009, Sophie S., ancienne call-girl et sympathisante UMP, toque à toutes les portes d'élus pour tenter de "nettoyer" son casier judiciaire. En 2004, en effet, elle est condamnée à dix mois de prison avec sursis et 15.000 euros de dommage et intérêts pour chantage, appels malveillants et menace de crime. Des faits pour lesquels Sophie S. assure avoir une explication solide, rapporte Le Monde. En 2009, donc, c'est Gérald Darmanin qui la reçoit au siège du parti. Il semble disposé à écrire une lettre en sa faveur à la garde des Sceaux de l'époque, Michèle Alliot-Marie. S'en suit un dîner au cours duquel le ministre aurait glissé à Sophie S. : "Il va falloir m'aider vous aussi", rapporte la plaignante dans Le Monde. Il l'aurait ensuite conduite dans un célèbre club libertin de la capitale, puis dans un hôtel. Selon la plaignante, malgré ses refus courtois mais répétés, Gérald Darmanin l'aurait forcée à un rapport sexuel avec lui.
Les enquêteurs ont entre les mains des échanges par SMS entre le ministre, qui avait 26 ans au moment des faits présumés, et la plaignante. Certains de ces SMS, envoyés entre 2009 et 2012, ont été publiés par le journal Le Monde. "Quand on sait l'effort qu'il m'a fallu pour b… avec toi !!!! Pour t'occuper de mon dossier", écrit Sophie S.. "Tu as raison je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ?", lui répond Gérald Darmanin.
Où en est l'enquête ?
Une enquête préliminaire avait déjà été ouverte après le dépôt d'une plainte, en juin 2017. Elle avait été classée sans suite le 11 juillet pour "absence d'infraction", la plaignante n'ayant pas répondu aux convocations des enquêteurs. "Elle ne voulait pas y aller toute seule et elle subissait une intimidation de la part de son entourage", a expliqué à franceinfo son avocate, Élodie Tuaillon-Hibon.
Courant janvier, Sophie S. a adressé un nouveau courrier au parquet de Paris, afin d'être entendue par les enquêteurs. Comme le veut la procédure dans les dossiers d'agression sexuelle et de viol, une enquête préliminaire a été automatiquement ouverte par les enquêteurs. Le 25 janvier, Sophie S. a été entendue plus de huit heures par la police judiciaire. L'enquête sur sa plainte a été confiée à la BRDP (brigade de répression de la délinquance contre la personne).
Que répond Gérald Darmanin ?
En juin dernier, après le premier dépôt de plainte de Sophie S., Gérald Darmanin avait à son tour porté plainte pour "dénonciation calomnieuse". Dans une interview accordée à franceinfo le 15 janvier, le ministre de l'Action et des Comptes publics avait de lui même abordé cette affaire. "Puisque la transparence, ça n'est pas que dans un sens, j'ai reçu au début de ma nomination de ministre - enfin j'ai entendu qu'on avait reçu - une lettre de dénonciation calomnieuse, une lettre de dénonciation infâme me concernant, qui a été donnée au garde des Sceaux. C'était un homme qui écrivait et qui m'accusait d'abus de faiblesse, d'abus de pouvoir, voire de viol", avait-il déclaré. "Une enquête a été ouverte par François Molins [le procureur de Paris], il y a eu des investigations. Au bout d'un certain temps, cette enquête ne donnant rien - évidemment, puisque tout cela est faux - [elle] a été clôturée, pour 'absence totale d'infraction'", en juillet, avait-il assuré.
Interrogé par franceinfo sur sa réputation de "dragueur lourd", Gérald Darmanin avait reconnu "avoir pu être léger" dans ses relations avec les femmes, "avoir envoyé des SMS un peu lourds" et "avoir pris des vents". "Je pense que la libération de la parole, c'est très important parce que chacun a pu se poser la question : j'ai sans doute dû être pas très fin", avait-il poursuivi.
Samedi, Me Chichportich, avocat avec Me Pierre-Olivier Sur de Gérald Darmanin, a regretté que, dans son édition datée de dimanche-lundi, "le journal Le Monde apporte une caisse de résonance à des accusations qui ne résistent ni à l'analyse des faits, ni à l'application du droit". Ces accusations "ne traduisent qu'une seule intention de nuire d'une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits de chantage, de malveillance et de menaces de crime", ajoute Mathias Chichportich, qui rappelle qu'une dénonciation calomnieuse est passible de cinq ans de prison et de 45.000 euros d'amende.
Comment se positionne l'exécutif ?
Après la parution de l'article du Monde, Matignon a tenu à réagir, assurant que l'intéressé avait été "d'une totale transparence vis-à-vis des faits". "La justice est à nouveau saisie et elle doit pouvoir travailler en toute indépendance. Le Premier ministre tient à rappeler d'une part que les règles fixant l'appartenance au gouvernement sont connues et d'autre part que M. Darmanin a toute sa confiance", a souligné auprès de l'AFP l'entourage du chef du gouvernement.
Que supposent ces "règles fixant l'appartenance au gouvernement" ? Si, et seulement si, un membre du gouvernement est mis en examen dans une affaire, alors il doit quitter ses fonctions. Or, pour l'heure, Gérald Darmanin ne fait pas l'objet d'une mise en examen. Son poste de ministre de l'Action et des Comptes publics n'est donc pas menacé.