Edouard Philippe était l'invité de Patrick Cohen lundi matin, au lendemain d'un séminaire gouvernemental à Matignon destiné à préparer les grands chantiers de cette fin d'année. Mais aussi à la veille d'une grande journée de mobilisation des fonctionnaires, et le jour d'une réunion de l'ensemble des syndicats à l'initiative de la CGT.
"Je veux d’abord que les plus riches cessent de partir"
Edouard Philippe évoque le sujet chaud du moment : la suppression de l'ISF. Il se dit prêt à taxer les produits de luxe en compensation. "Je ne suis pas contre augmenter les taxes existantes. Mais il faut être bien conscient de la raison pour laquelle ont prend la mesure initiale: la suppression de l'ISF", rappelle-t-il. "On a constaté dans les 15 dernières années que l’ISF réduisait la matière taxable en France. Je veux qu’ils arrêtent de partir. Je veux d’abord que les plus riches cessent de partir. Et ensuite, je veux qu'ils reviennent."
Cela dit le Premier ministre se veut prudent. "En matière de politique économique, j’ai vu beaucoup de gens vous dire avant de façon certaine ce qui allait se passer. Moi, je suis prudent. S’agissant de l’ISF, on sait que ça fait partir des contribuables riches et que ça appauvrit la richesse nationale", explique Edouard Philippe. "Il y a énormément de mesures qui sont destinées à améliorer la situation des plus fragiles. Quand on les évoque, ceux qui nous écoutent les écartent assez facilement du plat de la main. Le transfert de pouvoir d’achat qui va âtre fait pour les actifs n’a pas d’équivalent. Tous les actifs vont pouvoir le constater à partir du début de l’année."
"Emmanuel Macron dit les choses et assume ce qu’il pense"
Au sujet de la grande affaire de la fin de semaine dernière, le "bordel" dénoncé - et créé - par Emmanuel Macron, Edouard Philippe relativise. "Je trouve un peu surprenant qu’on y consacre autant de temps et de commentaires", réagit-il. "Le président de la République s’exprime avec une grande clarté et souvent un registre de vocabulaire qui a pu le placer sous le feu de la critique quand on considérait qu’il avait des formulations trop intellectuelles. Il lui arrive, comme il nous arrive à tous, de se laisser aller de dire quelque chose de l’ordre du gros mot ; en général, quand ça m’arrive, ma fille qui a sept ans me dit que je ne devrais pas le faire", glisse le Premier ministre. "Effectivement, Emmanuel Macron dit les choses et assume ce qu’il pense et ce qu’il fait. Et ça fait du bien."
"Je n'ai jamais été fan des ultimatums"
Alors qu'Edouard Philippe doit, sauf surprise, être exclu des Républicains mardi, il s'est dit peu peiné par cette issue. "Je n’ai jamais été très fan des ultimatums. Je n’ai pas de commentaires à faire sur le fonctionnement des organisations partisanes", assure-t-il d'abord. "J’ai été fondateur de ce parti. J’ai été premier directeur général avec Alain Juppé. L’idée était de faire un grand parti de la droite et des centres, avec une base politique très large. Je l’ai vu s’étioler au fil des années, s’appauvrir autour d’une ligne idéologique de plus en plus à droite qui perdait d’abord le centre, ensuite la droite modérée. Je l’ai vu être incapable de dire explicitement au soir du premier tour de l’élection présidentielle, dire qu’il fallait voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. Ce jour-là, j’ai été un peu surpris par ce qu’était devenue cette formation politique. Et je la vois aujourd’hui critiquer des mesures qu’elle appelait de ses voeux il y a quelques mois. Ça me laisse, je dois dire, rêveur", lâche le chef du gouvernement.
"L’objectif n’est pas de déconsidérer les fonctionnaires"
A la veille d'une grande journée de mobilisation des fonctionnaires, Edouard Philippe tente de déminer la situation. "Je ne les déconsidère en aucune façon. Je sais le rôle nécessaire qu’ils jouent dans le lien social. L’objectif n’est pas de déconsidérer les fonctionnaires, jamais de la vie", assure le Premier ministre. "On rétablit le jour de carence parce qu’on a constaté que, quand il a été mis en place, a produit d’excellent résultat pour lutter contre l’absentéisme. "S’agissant de leur pouvoir d’achat, l’augmentation de la CSG sera totalement neutralisée. D’abord en diminuant les cotisations, puis par un versement de primes. Ils ne sont donc pas du tout déconsidérés", explique-t-il.
"On peut mieux faire pour les étudiants"
Le Premier ministre va recevoir lundi matin les responsables des deux principaux syndicats étudiants, l’Unef et la Fage. Au menu des discussions : contrats de réussite, conditions de vie et pouvoir d'achat aux étudiants, éventuelle fin de la sécurité sociale étudiante et rattachement au régime général de la sécurité sociale. Edouard Philippe assure aussi qu'"il est clair que l'on peut mieux faire dans l'accompagnement aux études des étudiants, en matière de sécurité sociale mais aussi en matière de santé. Les étudiants sont jeunes, et on pense souvent que comme ils sont jeunes, ils sont en bonne santé. En réalité, on a des chiffres qui ne sont pas très bons sur la capacité des étudiants à accéder aux soins", explique-t-il. "Il y a des actions de prévention à mettre en œuvre, mais aussi des actions de pouvoir d'achat", indique le Premier ministre, sans entrer dans les détails, réservant des réponses plus précises pour la réunion syndicale de lundi matin.